samedi 6 février 2010

Det som ska sonas - un premier roman prometteur


Olle Lönnaeus est né en 1957. Il est depuis vingt ans journaliste au Sydsvenska Dagbladet pour lequel il rédige des analyses politiques sur la Suède, l'Europe et le Moyen-Orient. Son premier roman, Det som ska sonas, a été publié l'an dernier par Damm Förlag en Suède. L'ouvrage a été remarqué par les membres de la Svenska Deckarakademin qui lui ont attribué un debutpris ("bästa svenska debut", meilleur premier roman suédois de l'année).

Det som ska sonas peut être traduit par "ce qui doit être expié" ou "ce qu'il faut expier".

Pas de traduction française annoncée pour le moment. [Mise à jour été 2011: l'ouvrage va être traduit en français chez Liana Levi sous le titre Ce qu'il faut expier.]

Konrad Jonsson, journaliste à la dérive après une expérience traumatisante sur le terrain, est à Malmö lorsqu'il reçoit un appel de la police d'Ystad (la ville du célèbre commissaire Kurt Wallander). Ses parents adoptifs, Herman et Signe Jönsson, ont été retrouvés abattus d'une balle dans la nuque dans leur maison à Tomelilla, une petite ville au nord d'Ystad, en Scanie (la région située à l'extrémité sud de la Suède).

Trente ans se sont écoulés depuis le départ de Konrad, alors âgé de 17 ans. Trente ans qu'il a passés à bourlinguer, d'abord sur les mers pour le compte d'un armateur d'Oslo, puis comme journaliste. Il a eu le temps de rencontrer une femme lors d'un long séjour en Suède, de lui faire un enfant -Maria- puis de fuir à nouveau. Sa ville d'attache a longtemps été Berlin, qu'il a connue à l'époque du Mur. Il y a rencontré Sonja, une artiste avec laquelle il entretient une relation épisodique. C'est pourtant en Suède qu'il revient après avoir frôlé la mort. Depuis son départ à l'âge de 17 ans il n'est toutefois jamais retourné à Tomelilla, n'a jamais revu ses parents adoptifs ni ses anciens camarades d'enfance.

Konrad n'éprouve guère de tristesse en apprenant la mort de Herman et Signe. Son retour à Tomelilla est surtout motivé par les besoins de l'enquête de police mais aussi par une quête personnelle: sa mère, Agnes Stankiewic, a disparu lorsqu'il avait sept ans. Konrad a quelques vagues souvenirs d'elle. Il se souvient par contre très bien des tourments que les autres enfants -et certains adultes- faisaient volontiers subir au fils de "la Polonaise", Agnieszka. Agnes, sa mystérieuse mère.

De retour à Tomelilla, Konrad va retrouver la petite communauté avec ses ivrognes, sa pauvreté, ses racistes... Jadis la xénophobie visait "les Polacks", aujourd'hui ce sont les Kurdes ou les Albanais qui sont montrés du doigt. Mais il retrouve aussi des visages amicaux, comme le vieux journaliste Örjan Palander, amateur de cigares infects, Sven Myrberg, son ancien grand ami d'enfance à qui il avait jadis tourné le dos, prisonnier de ses propres préjugés homophobes (Konrad, le fils abandonné, a tendance à abandonner ceux qui l'aiment: son vieux copain Sven, sa fille Maria lorsqu'elle était bébé). Il y a aussi Gertrud, la sœur de Sven; la fillette d'alors est devenue une belle femme, avec quelques secrets.

Et puis il y a Klas, le fils de Herman et Signe. Klas n'a jamais aimé Konrad, qui le lui rend bien.

Le premier problème de Konrad sera toutefois la police. Herman et Signe, deux âmes pieuses, humbles et effacées, avaient gagné au Loto quelque temps avant leur mort. Ne sachant que faire de cet argent ils l'avaient déposé sur un compte bancaire. Cette petite fortune transforme inévitablement les deux frères ennemis en suspects aux yeux de l'inspectrice Eva Ström et de son patron, le glacial commissaire Björn Bernhardsson...

* * *

Olle Lönnaeus a bien travaillé le cadre et les personnages. J'ai été particulièrement intéressé par Sven Myrberg, garçon original (le premier Suédois à aller sur la Lune!) qui a connu lui aussi le mépris -y compris de la part de son grand ami Konrad- mais est parvenu à se bâtir un petit univers et une étrange vie de couple. Herman et Signe, dans un genre très différent, sont relativement complexes sous leur médiocrité apparente mais nous ne les découvrons qu'à travers les souvenirs de Konrad. Maria, la fille désormais adulte, est peu présente (elle étudie le droit à Stockholm) mais attachante.

Tous ces personnages -et leurs secrets- se dévoilent lentement, au fil des 320 pages. Det som ska sonas n'est pas un roman d'action. Tout repose sur les personnages, leurs relations compliquées, leurs sentiments.

Konrad, l'ancien journaliste de terrain, est en effet plutôt mollasson. Il semble paralysé à la fois par un traumatisme récent qui hante encore ses nuits et par le fait de retrouver le village de son enfance, ce qui lui rappelle sans cesse la mystérieuse disparition de sa mère, Agnes. Il agit peu, est englué dans ses souvenirs, mais heureusement pour lui il s'attire la sympathie -voire l'amour- de personnes capables de l'aider, de le secouer un peu.

Det som ska sonas est un bon petit roman d'ambiance, qui ne sera peut-être pas très populaire à Tomelilla (l'auteur y met en scène divers racistes et de vieux nazis, ce qui n'est vraiment pas une nouveauté dans la littérature policière suédoise) mais qui se lit sans déplaisir. Un peu plus d'originalité ne nuirait pas pour un second roman, la qualité d'écriture est quant à elle déjà là. Un auteur à suivre.

* * *
Anecdote

J'ai un peu souffert en lisant ce roman. Le langage est riche, varié, ce qui a entraîné quelques difficultés de lecture.

La plus amusante est survenue dans la description de la maison de Herman et Signe Jönsson. La demeure est décrite comme une "eternithus". Mais qu'est-ce que c'est que ça? Une maison d'éternité? Je ne voyais pas le rapport avec l'histoire et me doutais que quelque chose m'échappait complètement... Mon petit dictionnaire ayant déclaré forfait c'est sur Internet que j'ai trouvé la réponse. Le mot "eternit" est un nom de marque, également utilisé dans un sens générique (comme kleenex ou sopalin). Il désigne un type de revêtement de façade: il s'agit d'amiante broyé et concassé, mélangé à du ciment. Pas très sexy... Les "eternithus" étaient paraît-il populaires dans les années quarante et cinquante.


[Participe au challenge Lire en VO]


2 commentaires:

kathel a dit…

Bon, j'ai appris comment dire une "maison en Eternit" en suédois... j'imagine que cela ne doit plus être très populaire, à cause de l'amiante !

Paul Arre a dit…

Ça devait surtout être moche: du bête ciment grisâtre.

Lönnaeus a peut-être opté pour ce matériau afin d'accentuer encore le côté terne du couple Herman/Signe :-)