- Alors mon cher Zig, qu'as-tu pensé de ce roman?
- Que dis-tu?
- Un cri si lointain, qu'en as-tu pensé?
- Que peut-on penser d'un cri...
- Qu'il est proche. Ou lointain.
- Ou trop faible pour être entendu par les secours?
- Oui.
- Je ne sais pas. Je...
- Tu n'as pas aimé.
- Quoi?
- Tu as détesté, avoue-le. Vas-tu avouer?
- Calme-toi, Zag. Tu te trompes.
- Donc tu as aimé.
- Tu simplifies, comme toujours.
- Je ne vois vr...
- [l'interrompant] Il fait chaud encore aujourd'hui.
- Oui.
- L'air brûle les poumons.
- Et les cerveaux, Zig, et les cerveaux.
- Est-ce qu'il reste du café?
Voilà à quoi pourrait ressembler le début d'un billet sur Un cri si lointain, rédigé sous la forme d'un petit dialogue "à la Winter".
La lecture de ce bouquin m'a rappelé quelques films vus il y a une centaine d'années (environ) dans le cadre d'une rétrospective Ingmar Bergman. Le polar d'Edwardson est sans doute le plus "bergmanien" des romans que j'ai eu l'occasion de lire depuis l'ouverture de ce blog. Ce n'est pas nécessairement un compliment, et certainement pas un reproche. Mais le lecteur a un petit effort à fournir. Il faut accepter de s'immerger dans l'histoire (lente) et les ruminations (fréquentes) du plus neurasthénique des enquêteurs scandinaves. À côté d'Erik Winter, Erlendur Sveinsson est un jovial boute-en-train...
Au départ, il y a bien sûr un cadavre. Celui d'une femme dans la petite trentaine. Blonde. Inconnue. Abandonnée dans un fossé, quelque part à l'est de Göteborg. Erik Winter interrompt ses courtes vacances (bien que riche, il s'ennuie très vite) pour commencer une longue enquête sur la mystérieuse femme et son passé. Un élément inquiétant est révélé par l'autopsie: la victime a eu au moins un enfant. Qui et où sont-ils?
* * *
L'intrigue ne manque pas d'intérêt, mais les 520 pages du récit abordent bien d'autres sujets. À commencer par le flic, Winter, que l'on suit jusque sous la douche (l'été suédois est toujours caniculaire... dans les polars). Il s'habille chic grâce à Armani, Cerutti, Tutti Quanti, mais il n'y a rien de chic dans sa façon de voir le monde qui l'entoure.
"Les lumières de la ville se devinaient vingt kilomètres plus loin à travers la pluie fine et la matinée grise, comme de la pisse sur une neige sale."
Ses déboires amoureux sont assez amusants (si on les compare au reste du récit). Angela veut une vraie vie de couple, Winter ne souhaite pas changer ses habitudes de célibataire et s'accommode très bien de leurs rencontres épisodiques. Il se transforme en anguille dès qu'Angela aborde la question. C'est un champion de la réponse monosyllabique et du changement de sujet.
Pour un flic comme Winter, toute festivité est cause de problèmes, toute manifestation une source de désordre et de violence. La vue d'une pancarte de revendication provoque chez lui une crise de pessimisme. En fait, il ne rate jamais une occasion de méditer sur l'état de délabrement de la société suédoise. On retrouve ici la thématique "critique sociale" tant appréciée chez les auteurs de polars scandinaves, mais poussée à un degré tel qu'elle perd parfois de sa pertinence. Un passage m'a quelque peu agacé: un immigrant kurde dont la demande d'asile a été refusée prend un enfant en otage (on trouve une scène très semblable au début du Misterioso d'Arne Dahl). Un événement de ce genre a peut-être eu lieu en Suède à cette époque (Un cri si lointain a été publié en 1998, Misterioso en 1999) mais le désir de dénoncer l'indifférence bureaucratique des institutions suédoises aboutit finalement à une caricature... des Kurdes.
Ces petites maladresses ne doivent pas cacher l'essentiel: un polar lent et lourd qui plaira aux amateurs de spleen policier.
8 commentaires:
J'aime beaucoup ton billet !
je n'ai encore jamais lu cet auteur et je ne suis pas sûre de me lancer. Je ne sais pas pourquoi mais quand tu dis qu'Erlendur est un joyeux luron à côté de Winter, j'hésite...
En matière de polar suédois, je suis en train de lire "Le cercle celtique" et c'est un peu...long. Beaucoup, beaucoup trop de digressions maritimes, c'est bien dommage.
Sophie: ne te laisse pas décourager. Winter est certes plutôt tristoune mais les flics scandinaves (ceux des polars du moins) sont souvent déprimants et/ou dépressifs. Ça fait partie de leur charme ;-)
Ys: je pensais justement au Cercle celtique cette semaine, en possible remplacement de Blodläge retardé pour cause d'Eyjafjallajökull... j'hésite encore.
Allez, il faut se lancer : je te tague sur "une histoire de PAL"... Si tu es inspiré, si tu as envie, etc. !! :-)
Et bien dis donc, tu parles d'une joie si Erlendur est plus marrant que Winter. Il faut que j'essaie cet auteur mais j'avoue hésiter à arrêter mon choix sur un des romans...
Je compte sur ton blog pour "m'orienter" en quelque sorte.
A bientôt
cynic63: il y a plus d'action dans Danse avec l'ange.
Bon j'ai peut-être eu tort de faire cette comparaison avec Erlendur, ça fait peur à tout le monde :-) il n'est pas si déprimant que ça Erlendur, si?
Il me semble, mais ma mémoire peut me jouer des tours, qu'Erlendur a un peu plus d'humour (grinçant) que le Winter d'Un cri si lointain.
Canel: arrrgggg! j'espère qu'il n'y a pas de deadline, haha!
Je suis assez d'accord avec toi... Winter est encore moins funky que Erlendur... Il n'empêche que j'ai pris beaucoup de plaisir à lire "Un cri si lointain"
Bienvenu, Cath. Bonne intrigue, mais fort peu funkie, en effet!
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