lundi 5 avril 2010

La Librairie des ombres : lecture sous haute tension


La Librairie des ombres (titre original Libri di Luca), Mikkel Birkegaard, Éd. Fleuve Noir, 2010, 451 pages. Traduit du danois par Inès Jorgensen.

Cet ouvrage n'est pas un roman policier. C'est une œuvre de science-fiction / fantastique, mais avec une petite saveur de polar puisqu'il y a bel et bien un crime et une enquête.
"Nichée au cœur de Copenhague se trouve une vieille librairie au nom italien : Libri di Luca. Son propriétaire, Luca Campelli, vient de mourir de manière très abrupte et pour le moins... étrange. C'est Jon, son fils, avec qui il a rompu tout contact depuis 20 ans, qui hérite du magasin. Entraîné malgré lui dans l'histoire familiale, Jon découvre bientôt que cette librairie renferme un secret fabuleux." (site de Fleuve Noir)
C'est ce fameux secret qui nous plonge dans une réalité alternative. Dans l'univers du roman de Birkegaard, les livres et leurs lecteurs sont parfois très spéciaux. Pour ces êtres qui se surnomment les Lettore, la lecture peut devenir une expérience particulièrement puissante... et inquiétante.

C'est ce que va découvrir le fils, Jon, avec l'aide des plus proches amis de Luca: Iversen, qui était aussi employé à Libri di Luca, et la belle Katherina. Tout d'abord sceptique (les Lettore vivent dans le plus grand secret par crainte des persécutions) Jon se retrouve mêlé aux petites guerres internes des Lettore. Ceux-ci se répartissent en deux groupes principaux: les "émetteurs", dont les pouvoirs se manifestent lorsqu'ils lisent un texte à haute voix, et les "récepteurs" qui sont télépathes et peuvent s'insinuer dans les pensées de tout lecteur situé à proximité.

Luca est mort d'une manière qui trahit l'action d'un récepteur, ce qui attise la méfiance du clan des émetteurs... Jon -émetteur potentiel- va être chargé de mener une enquête au sein des Lettore, et il choisit une réceptrice, Katherina, pour l'assister.

Le duo découvre rapidement que le meurtre du vieux libraire cache bien plus qu'une querelle entre émetteurs et récepteurs...

* * *

L'aspect fantastique / paranormal du roman ne plaira pas à tout le monde, d'autant plus que les pouvoirs dont il est question ne sont guère discrets. Jon se révèle -bien évidemment- être un super-lettore et on a donc droit à des étincelles, des incendies spontanés, etc. J'aurais préféré des effets moins tape-à-l'œil.

Autre gros bémol, l'univers de La Librairie des ombres est manichéen au possible. Tout est blanc ou noir. Pas la moindre teinte de gris. Les gentils sont très gentils, les méchants très méchants mais patauds, et l'identité de l'inévitable traître n'est pas difficile à deviner.

À mon avis ce roman conviendrait plus particulièrement à un public "jeune adulte", disons à partir de 16 ans jusqu'à... (on peut aimer les récits merveilleux et gentillets à n'importe quel âge, après tout).

La Libraire des ombres a toutefois des atouts. Tout d'abord l'idée de transformer des obsédés de bouquins en superhéros dotés de pouvoirs étonnants. Cette mamie à lunettes en train de faire la lecture à de jeunes enfants? Une émettrice douée qui utilise son talent pour captiver et enchanter son auditoire. Cette jeune femme qui regarde distraitement par la fenêtre du bus alors que vous lisez le dernier Coben? En fait, elle est en train de lire vos pensées et de profiter de votre lecture; si l'histoire lui plaît elle vous aidera même à vous concentrer... mais vous risquez de rater votre arrêt.

Autre côté sympathique, un clair parti-pris en faveur des vrais livres. Les Lettore n'ont que faire des iPad et autres Wireless Reading Devices. Seuls les livres d'encre et de papier leur "parlent".

Il y a enfin l'aspect moral du récit. La Librairie des ombres met en scène des personnages qui utilisent leurs aptitudes dans un sens altruiste (ou du moins qui évitent soigneusement de ne pas nuire à autrui), et d'autres qui agissent dans le but d'accroître leur pouvoir et leur richesse sans la moindre considération pour la vie des autres. Les pouvoirs des Lettore sont imaginaires mais il n'est pas difficile d'extrapoler cette fable morale à d'autres types de compétences (médicales, scientifiques, technologiques, etc.)

Ce roman est à mon avis une bonne alternative à tous ces héros buveurs de sang qui encombrent les rayons de la littérature pour ados.

* * *

Mikkel Birkegaard, encouragé par le succès de ce premier roman, a publié un deuxième ouvrage en 2009, Over mit lig. L'histoire d'un auteur de romans d'horreur qui découvre une ressemblance inexplicable entre un meurtre et le contenu du manuscrit sur lequel il travaille. Manuscrit que personne ne connaît à part lui. Son imagination influencerait-elle la réalité? Suspense...

[Merci à Suzanne et Fleuve Noir pour la découverte de ce nouvel auteur.]

5 commentaires:

Nancy a dit…

Ce livre qui était sur ma "pile" de livre à lire...va "prendre le bord" comme on dit chez-nous. Je vais suivre ton conseil et le conseiller à ma fille....

Anonyme a dit…

Je croyais beaucoup en ce livre-là, le thème, le pouvoir des livres, la librairie... et puis finalement, c'est mauvais, je ne suis vraiment pas sûre qu'il pourrait plaire à de jeunes adultes un peu exigeants... la fin surtout frôle le grand n'importe quoi...

Paul Arre a dit…

Nancy: je n'ai pas de jeune cobaye sur lequel expérimenter alors tu pourras donner l'avis de ta fille ;-)

Ys: la fin est grandiloquente, mais est-ce que ce n'est pas le cas aussi pour les histoires de magiciens ou autres bouquins du genre? Une méga-confrontation finale entre le Bien et le Mal qui fait plein d'étincelles... C'est loin d'être le bouquin de l'année mais il se laisse lire et peut trouver un public (à mon avis un public jeune, mais je ne suis pas spécialiste de cette tranche d'âge et je ne peux pas comparer avec d'autres bouquins pour ados récents).

Et puis c'est un premier roman alors je vais laisser sa chance au coureur.

Lystig a dit…

je dirai comme toi : première oeuvre = auteur sur la voie...
mais, en revanche, j'ai aimé me balader dans les rues et quartiers de KBH !!§
me manquent les poelser sur Raadhuspladsen !

Paul Arre a dit…

Heureusement wikipedia était là pour me souffler la réponse car je ne connaissais pas les: Pølser

Des "chiens chauds" danois :-o