Devinette: combien de temps a-t-il fallu pour traduire cet ouvrage en suédois?
Je vous laisse réfléchir... sortez vos calculettes... je divise 509 par x pages/jour...
Vous pouvez maintenant comparer votre réponse à celle de l'éditeur suédois: sept jours. Pas un de plus.
Jonas Axelsson, responsable chez Albert Bonniers Förlag, explique au magazine Svensk Bokhandel les raisons d'un si court délai (les infos de ce billet proviennent pour l'essentiel de ce très intéressant article). Les agents des "gros" auteurs anglophones, comme Dan Brown ou J.K. Rowling, bien souvent n'acceptent de communiquer le manuscrit aux éditeurs suédois qu'au moment de la sortie sur le marché des éditions britannique et américaine.
La traduction suédoise (c'est vrai aussi dans d'autres pays européens) sort des presses plusieurs semaines après les éditions en anglais.
Résultat: des ventes en moins pour les éditeurs suédois, allemands, néerlandais, etc. De nombreux lecteurs préfèrent en effet acheter l'édition britannique immédiatement plutôt qu'attendre deux ou trois mois la traduction "locale". Les amateurs francophones du célèbre Harry Potter connaissaient bien ce dilemme...
L'éditeur Norstedt avait en son temps décidé d'engager deux traducteurs pour le septième volume de la série Harry Potter afin d'accélérer la traduction et limiter les dégâts.
Albert Bonniers Förlag est allé bien plus loin. L'objectif était d'offrir la traduction suédoise 25 jours après la parution des éditions anglaises (sans compter les jours de repos).
Ces 25 jours de travail devaient se répartir ainsi: 7 jours pour la traduction, 7 jours pour le travail de correction, relecture, mise en page, le reste pour l'impression et la distribution à travers le pays.
Pour traduire 509 pages en 7 jours, deux traducteurs ne suffisent pas. Qu'à cela ne tienne, AB Förlag a fait appel à toute une équipe de traducteurs (six ou sept, selon que l'on se base sur l'article de SvB ou sur la liste des traducteurs fournie par le site de l'éditeur) : Ola Klingberg (qui réside à New York et a communiqué à l'éditeur suédois une traduction des premières pages du roman dès la sortie de l'édition américaine), Tove Janson Borglund, Gösta Svenn, Helena Sjöstrand, Leo Andersson, Lennart Olofsson, Peter Samuelsson. Ouf!
J'ai peine à imaginer les efforts qu'il a fallu fournir pour coordonner un tel orchestre et produire un résultat harmonieux et cohérent... Selon l'article de SvB, des directives avaient été transmises à tous les traducteurs avant même l'arrivée du manuscrit; de plus le groupe de travail communiquait quotidiennement par courriels afin d'assurer un échange d'informations permanent durant les sept journées fatidiques. La présence d'un spécialiste de l'Antiquité parmi l'équipe de traducteurs a également beaucoup aidé, selon l'éditeur.
Les délais ont été tenus, Den förlorade symbolen est sorti le 21 octobre, comme prévu. Le but d'AB Förlag était de convaincre le lecteur de ne pas céder à la tentation et de patienter un mois pour pouvoir lire les nouvelles aventures du Professeur Langdon "på svenska". Au vu du nombre d'exemplaires pré-commandés (290.000) l'éditeur semble avoir gagné son pari. Quelques petites imperfections sont encore présentes dans le texte final mais elles sont tout à fait mineures et seront corrigées dans une prochaine édition, promet AB Förlag.
Le lecteur impatient y gagne, les traducteurs je ne sais pas...
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Mise à jour: SvB rapporte que les ventes de l'édition anglaise de Dan Brown -avant la sortie de la traduction suédoise- ont été de 5.000 à 10.000 copies seulement. C'est un bon résultat si on compare avec les Harry Potter in English dont les ventes ont parfois dépassé les 100.000 copies avant la mise sur le marché de la version suédoise.