dimanche 25 avril 2010

Les Disparus de Monte Angelo


Les Disparus de Monte Angelo (titre original Gränslandet), Thomas Kanger, Presses de la Cité coll. Sang d'encre, 2010, 261 pages. Traduit du suédois par Terje Sinding.

Le roman commence mal pour Elina Wiik. Elle ne va pas bien. Elle s'étiole lentement mais sûrement dans ses fonctions au commissariat de Västerås. Elle réalise un matin qu'elle n'est tout simplement plus capable d'affronter la routine quotidienne. Elle boucle alors sa valise, prend sa voiture, et roule au hasard en direction du sud.

Le bout de la route s'appelle Monte Angelo; c'est un petit village du sud de l'Italie. Des gestes et quelques mots d'anglais lui suffisent pour louer une chambre et commencer sa convalescence. Elina se repose, se promène, se régale de bons petits plats locaux. Et tombe amoureuse. L'objet de sa passion s'appelle Alex Niro. C'est un homme dont elle ne sait quasiment rien, mais le courant passe à merveille entre la Suédoise déprimée et le bel inconnu.

Les bonnes choses ont une fin, c'est bien connu. Mais découvrir son amant dans une mare de sang n'est pas la meilleure façon de terminer une relation. Hélas pour Elina Wiik, c'est pourtant ce qui lui arrive. Rapidement disculpée par ses collègues italiens, elle décide de rentrer en Suède, brisée par le chagrin. Mais elle n'est plus seule sur le chemin du retour: sa rencontre avec Alex aura été courte mais pas sans conséquence. Elina est enceinte...

Deux ans après ces événements, Wiik prend la décision d'enquêter personnellement sur le meurtre, mais surtout sur le passé d'Alex. L'enfant, une fois grande, voudra en effet savoir qui était son père. Le problème, c'est qu'Alex Niro n'existe pas. L'homme qu'elle a connu vivait sous une fausse identité. Qui était-il vraiment? Pourquoi a-t-il été tué? Wiik a peur de ce que pourraient être les réponses mais elle est bien déterminée à les obtenir.

* * *

Je l'avoue d'emblée, Les Disparus de Monte Angelo m'a un peu déçu. Il souffre, selon moi, de la comparaison avec le précédent bouquin (Le Temps du loup) qui m'avait beaucoup plu.

Il y a quelques aspects étranges dans le récit, un petit côté onirique parfois et une fin très étonnante (pour un polar) qui devraient pourtant m'enchanter, mais je ne suis pas arrivé à m'immerger pleinement dans l'histoire. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Peut-être à cause de quelques invraisemblances et situations tirées par les cheveux; peut-être parce que la guerre des Balkans est présentée d'une manière parfois un peu trop didactique par l'auteur, journaliste de profession; peut-être et surtout parce que je m'attendais à un récit aussi haletant que Le Temps du loup.

Les Disparus de Monte Angelo a néanmoins des atouts. Il propose notamment une réflexion sur les leçons de l'Histoire (les retient-on vraiment?), la complexité humaine (une victime peut-elle devenir bourreau, et vice-versa), le cercle sans fin de la vengeance. Le tout est illustré par les guerres fratricides au sein de l'ex-Yougoslavie, plus particulièrement par le conflit entre Serbes et Croates dans la région de la Krajina.

Ce mot, Krajina, peut se traduire par "région frontalière" (cf. Wikipedia), d'où le titre original de l'ouvrage: Gränslandet (gräns = frontière, land = pays). La photo de couverture de l'édition française a un rapport évident avec la notion de frontière, mais l'éditeur a fait le choix d'un titre plus évocateur.

* * *

Ajout du 5 octobre: je découvre un avis intéressant dans la revue Alibis (numéro 35, pp. 139-140). Leur critique est bien plus enthousiaste que la mienne, ça me fait donc très plaisir de répercuter leur opinion. Extrait: "Cette enquête souvent frustrante, voire dangereuse, est doublée d'une leçon d'histoire (...) En lisant ce polar de Kanger, on finit par saisir un peu mieux les enjeux géopolitiques, ethniques et religieux, de ce conflit absurde et incompréhensible, riche en massacres et en atrocités de tous genres! (...) Les Disparus de Monte Angelo est une œuvre intense, avec un personnage central doté d'une forte personnalité et dont on attend le retour avec impatience."

4 commentaires:

Sophie a dit…

ah zut ! je me réjouissais de retrouver Elina dans ce nouveau Kanger mais ton avis me refroidit car le thème et le côté onirique ne m'attirent pas du tout.
J'ai terminé "le temps du loup " et j'ai beaucoup aimé.

Paul Arre a dit…

L'aspect légèrement "décalé" ne concerne que quelques passages notamment au début lorsque Elina traine sa dépression dans les ruelles de Monte Angelo, et *surtout* la fin. Tout le reste concerne l'enquête, les recherches de Wiik sur le terrain.

Cela étant dit, mes petits billets n'ont jamais pour objectif de décourager des lecteurs potentiels. Ce serait plutôt l'inverse en fait.

L'alchimie entre le lecteur et le bouquin est un petit mystère, et je suis certain qu'il y aura des gens pour préférer le 2e Kanger au 1er même si à mon avis ils ne seront pas majoritaires.

Cath a dit…

Il a malgré tout l'air bien intéressant ce livre (je ne connais pas du tout cet auteur...)
Conseilles-tu de commencer par le premier ?

Paul Arre a dit…

Je conseillerais plutôt le premier oui, sauf si le thème des Disparus... (conflit des Balkans, secrets de famille, vendetta) te branche vraiment beaucoup.