mercredi 29 septembre 2010

Le Septième fils - Blues au fond d'un fjord


Le Septième fils (titre original Sjöundi sonurinn), Arni Thorarinsson, Éd. Métailié, 2010, 350 pages. Traduit de l'islandais par Éric Boury.

Troisième ouvrage de la série Einar. J'ai noté dans le cours du récit une brève référence à un ouvrage non traduit de la série, la Lune bleue, Blátt tungl. Fort heureusement le fait de ne pas connaître l'intrigue de Blátt tungl a pour seule et unique conséquence la -légère- frustration du lecteur.

J'ai retrouvé avec grand plaisir dans ce roman tout ce qui fait le charme des bouquins de Thorarinsson: un héros sympathique, une ironie très présente, un aperçu des réalités islandaises (le roman a été écrit peu de temps avant la crise économique de 2008 qui a frappé l'Islande de plein fouet). Les petites notes ajoutées çà et là par le traducteur sont toujours aussi utiles.
"- Tu es satisfait de ce que tu as accompli?
- Oh non, répond-il, et les épaules de celui qui fut autrefois un militant charismatique s'affaissent lourdement. Oh que non, je me dis parfois que l'Islande est devenue une nation qui a perdu tout sens de l'État.
- Et qu'est-ce qui a remplacé l'État?
- Le marché."
Le détesté et très radin Trausti Löve, rédac' chef du Journal du Soir, envoie Einar faire un reportage dans la région des fjords de l'ouest, plus précisément à Isafjördur, bien loin de sa base habituelle d'Akureyri.

Travail journalistique de routine: présenter la ville, ses perspectives économiques, les gros problèmes liés aux quotas de pêche, les craintes et les espoirs suscités par le projet de raffinerie pétrolière, et bien sûr prévoir une entrevue avec le maire. Les faits divers ne sont pas à négliger non plus, et Einar va s'intéresser à l'incendie d'une ancienne maison dans le vieux quartier d'Isafjördur. Incendie accidentel ou criminel? Quel est le petit malin qui a déféqué sur la tombe de Kiddi du Kjölur, bâtisseur de la maison? Rien de très palpitant a priori, mais les événements se précipitent rapidement: deux cadavres carbonisés sont retrouvés dans un camping-car volé à des touristes lituaniens. La mafia des anciens pays de l'Est serait-elle impliquée? Règlement de compte chez les trafiquants de drogue? Et qui sont les victimes?

Einar va se trouver un "nounours" (c'est le nom qu'il donne à ses informateurs policiers) à Isafjördur grâce aux nombreuses connexions d'Oligisli, le commissaire d'Akureyri. Brandur Brandsson est un brigadier-chef vieillissant, volontiers ronchon et franchement conservateur. Il consomme plus d'alcool qu'il ne fournit de renseignements, mais son appui sera fort utile à notre journaliste.
"Everybody cryin' 'bout the seventh son / In the whole round world there is only me / And I'm the one, I'm the one / I'm the one, I'm the one / The one they call the seventh son..."
En plus de fournir une intrigue bien ficelée, Arni Thorarinsson promène ses lecteurs dans une Islande urbaine, très actuelle. Le regard d'Einar est souvent ironique, frôle parfois le cynisme, mais il est un bon observateur de son cher pays et de ses habitants.

Petite difficulté pour le lecteur francophone, l'abondance de noms de personnes et de lieux. Immersion islandaise garantie! Heureusement on s'habitue vite à la manie islandaise des surnoms (Karl - Kalli, Sigurdur - Siggi, Oddny - Odda, etc.) et la logique de la langue permet d'apprivoiser une bonne partie de ces mots bizarres (..........dalur désigne une vallée, ........gata ou ........straeti une rue, .........skogur un bois/une forêt, et ainsi de suite).
"- Quant aux enfants, ils s'appliquent à singer leurs parents.
- Et se prosternent à leur tour devant le dieu de l'argent."
Le Septième fils n'a pas de personnage aussi remarquable que la Victoria du Dresseur d'insectes, mais le lecteur croise avec plaisir Brandur Brandsson, la commissaire Alda Sif et son jeune fils Grimsi, l'ancienne candidate de télé-réalité Oddny surnommée Oddny Idol, le joueur de football Karl Olafsson, le préfet Olli dit La casquette, et bien d'autres.

Les romans d'Arni Thorarinsson accompagnent fort bien ceux de son célèbre compatriote Arnaldur Indridasson. Ils offrent un autre regard sur l'Islande, de bonnes intrigues, des personnages bien campés... j'en redemande!

[Merci encore à Mathieu, Dimedia et les éditions Métailié, pour ce roman]

2 commentaires:

Kathel a dit…

Je n'ai toujours pas découvert Arni... mais je suis bien tentée pour changer un peu d'Arnaldur !

Paul Arre a dit…

Le style des romans est très différent. Tu peux donner sa chance à Arni Thorarinsson sans grand risque. Le Dresseur d'insectes est très bien pour une découverte (et en plus il est en poche). Si tu préfères suivre l'ordre chronologique alors commence avec le Temps de la sorcière (également chez Points).