vendredi 5 novembre 2010

Bonne nuit, mon amour - Sobre et sombre


Bonne nuit, mon amour (titre original God natt min älskade), Inger Frimansson, Éd. First, 2010, 393 pages. Traduit du suédois par Carine Bruy.

Justine Dalvik vit seule, dans la maison de son enfance, sur les rives du lac Mälar (dans les environs de Stockholm). Elle partage la demeure avec un gros oiseau qu'elle a recueilli lorsqu'il était encore un oisillon.

Justine n'a pas toujours été chanceuse dans la vie. Souffre-douleur permanent de ses camarades d'école, elle a perdu sa mère lorsqu'elle était enfant; son père, un riche homme d'affaires, a ensuite épousé sa secrétaire de direction, Flora, qui s'est révélée être une marâtre de première catégorie. Papa est mort d'une crise cardiaque, laissant sa fille adolescente aux bons soins de belle-maman chérie. Flora vit désormais à l'état de légume dans une maison de convalescence.
N'oublions pas le grand amour de sa vie, Nathan, mort récemment lors d'une expédition touristique dans la jungle indonésienne.

Justine a un peu la poisse.

Pas découragée par les aléas de l'existence, elle compte bien raviver la flamme de l'amour auprès de Hans Peter, rencontré par hasard lors d'un jogging. Hans Peter vit seul. Il occupe un poste de réceptionniste de nuit dans un hôtel. Pas glamour pour un sou, Hans Peter a trois occupations principales dans la vie: son travail, ses bouquins, et endurer les dîners de famille lorsqu'il rend visite à ses parents.

Le bonheur va-t-il enfin sourire à Justine?

* * *

J'étais très curieux de lire ce roman, qui a reçu le prix du meilleur polar de l'année lors de sa parution en Suède en 1998 (prix décerné par la Svenska deckarakademin). Il est signé par une auteure bien connue dans son pays, où elle écrit des romans pour tous les âges.

À la lecture, je comprends mieux pourquoi les éditeurs français ne se sont pas jetés dessus. Ce roman est en effet un peu inhabituel. Ce n'est pas vraiment un thriller, et ce n'est pas un roman policier proprement dit (un flic fait quelques apparitions dans le dernier quart du bouquin et c'est à peu près tout). First le présente comme un "roman noir" et ça me semble une bonne étiquette pour ce livre. "Roman noir scandinave à suspens", pour être vraiment complet!

Et le mot "scandinave" prend ici tout son sens: peu de scènes d'action; une violence essentiellement psychologique; un nombre limité de personnages; des états d'âme qui se révèlent plus volontiers par les actes, les paroles... et parfois les silences.

C'est du scandinave "pur sucre" en quelque sorte! On y retrouve la même noirceur que chez d'autres auteurs, mais ce n'est pas joyeux comme du Läckberg, ce n'est pas du Stieg Larsson, et on n'y trouve pas de personnage "fort" et attachant comme le Wallander de Mankell ou le facétieux V.V. de Nesser.

Je glisse Bonne nuit mon amour dans la section "coup de cœur" bien que dans ce cas précis il faudrait peut-être parler de "coup de cerveau", le cœur étant assez peu sollicité par ce récit d'une grande sobriété.

* * *
Extrait

Les animaux rendaient Flora malade; ils lui provoquaient des frissons et la nausée. Un chat s'était faufilé dans l'entrée, et elle l'avait chassé à coups de balai, ses poils et sa queue se hérissant.
Quand son père lui avait souhaité bonne nuit, Justine le lui avait raconté.
Son visage se décomposa, et il lui caressa doucement la main, longtemps et doucement.
Soir après soir, elle réclamait un animal de compagnie à son père. Un chat, un chien ou un oiseau. Il l'aurait peut-être accepté, or, il était totalement soumis aux caprices de Flora.
- "Ce sont des sacs à puces et des nids à saletés, disait-elle, tandis que ses yeux de porcelaine peints les fixaient, dénués de pitié. Des bactéries. Des odeurs. Les animaux sont des animaux et ils n'ont pas leur place dans les maisons des hommes."
La fourrure de renard bleu, c'était une autre histoire. Il était mort. Elle la reçut un jour d'hiver, en geste de conciliation. Il fallait souvent apaiser Flora.

* * *

Inger Frimansson n'en avait pas terminé avec Justine Dalvik, qui est donc revenue en 2005 dans Skuggan i vattnet (L'ombre dans l'eau). Roman que les membres de la Svenska deckarakademin se sont empressés de récompenser, lui aussi!

15 commentaires:

Nancy a dit…

Malgré son titre qui ne m'inspirait pas beaucoup, je vais peut-être me laisser tenter après la lecture de ton commentaire.
Tu as donc "abandonné" Les Anonymes??

Sophie a dit…

Du scandinave "pur sucre" assorti d'un coup de coeur, ça va être difficile de résister d'autant plus que je l'avais déjà repéré...
Moi qui craignais que ce soit un peu à l'eau de rose apparemment c'est tout le contraire.
Merci pour ton avis éclairé !

Paul Arre a dit…

Nancy: le titre est un poil trompeur (il est toutefois tiré d'un dialogue du roman), ça n'a rien à voir avec la collection "Aventures et passions"! Le Ellory j'aurais l'occasion d'en reparler (le style et la trad sont très bons, comme les précédents).

Sophie: non, ce n'est pas eau de rose pantoute :-) Je n'en dis pas plus ;-)

Lystig a dit…

"le mot "scandinave" prend ici tout son sens" = c'est exactement cela, le propre du roman scandinave!

Canel a dit…

Bonjour Paul Arre : hors-sujet, un tag pour connaître tes quinze auteurs fétiches ! si tu as envie, bien sûr ! :-)

Paul Arre a dit…

Quinze?! On peut inclure des auteurs de BD??

Canel a dit…

Oui, tout ce que tu veux ! :-)
Mais tu y réponds si tu as envie, bien sûr ! ;-)

Soie a dit…

J'aime bien le suspense psychologique... et si c'est typiquement suédois tant mieux. Cela permet de découvrir un peu plus le pays et pas seulement l'auteur. :-)

Paul Arre a dit…

Bonjour Soie! Attention, je parlais du style. Il est assez peu question du mode de vie suédois dans le bouquin.

Isa a dit…

Toi qui aime les livres, je t'invite au swap "Un inconnu vous offre un livre" ici
http://sirpriz.com/swap-766.html

Le 5 janvier tu connaîtras le nom de celui à qui tu devras envoyer un livre et de qui tu vas en recevoir un.

Nous sommes déjà 18 inscrits ! A bientôt ! Isa

Sophie a dit…

Je viens de le terminer et boudiou que c'est noir !
J'ai beaucoup aimé et j'ai hâte de lire L'ombre dans l'eau à paraître le mois prochain en France.
Merci de m'avoir donné encore plus envie de le lire.

Paul Arre a dit…

Oui, j'ai vu récemment que L'Ombre dans l'eau s'en venait chez First. Contrairement aux Suédois qui ont attendu plusieurs années avant de retrouver Justine, les Français pourront lire les 2 romans quasiment dans la foulée.

Isa a dit…

j'étais très impatiente de le lire et...je n'ai pas du tout accroché.. la façon dont est construite l'intrigue, la façon de passer d'un personnage à l'autre à chaque chapître..
j'ai commencé par sauter des lignes...puis des paragraphes et j'ai fini par aller lire la fin..
pô bien ^^

Paul Arre a dit…

C'est bien dommage que tu n'aies pas apprécié, mais il est vrai que l'écriture est assez spéciale.
Pour ma part j'ai été très intéressé par le roman. Les sentiments des personnages qui se révèlent par de petits détails, de petits gestes, des non-dits, m'a particulièrement plu.

Canel a dit…

Fini.
Mis un peu de temps à l'adopter, puis scotchée, notamment par les 100 dernières pages, lues d'une traite.
Je croyais la fin 'ouverte' (et peu morale, donc), eh non, Sophie et toi annoncez une suite - chouette !