vendredi 26 novembre 2010

Comment éduquer son humain en 50 leçons


[Petite parenthèse en dehors du roman noir et du polar]

Adopter un humain pose parfois des problèmes même au chat le plus patient. Ces drôles de primates imberbes peuvent être de bons compagnons, ils chauffent le canapé comme personne, et puis ils semblent jouer un rôle dans le remplissage magique de la gamelle... Mais, convenons-en, les humains manquent de finesse et ignorent tout de l'étiquette féline. Disons-le franchement, ils sont un peu ploucs.

Tout félin souhaitant faire progresser son (ou ses) humain(s) pourrait lui suggérer la lecture du tout récent Mon chat chez le psy, de Catherine Davidson aux Éd. Transcontinental, 2010 (titre original: Why does my cat do that?, The Ivy Press, 2008).

50 courtes leçons de deux pages dans un ouvrage de petit format (23$ quand même), avec quelques dessins pour retenir l'attention de votre primate favori. Ce n'est pas un manuel, plutôt un pense-bête, c'est donc facile à lire et ça aborde plusieurs sujets:

- "Pourquoi mon chaton se cache-t-il?"
- "Pourquoi ma chatte transporte-t-elle ses petits?"
- "Pourquoi mon chat saute-t-il sur mon nouveau partenaire?"
- "Pourquoi mon chat veut-il sortir dès que je l'ai fait rentrer?" ["De votre point de vue, la porte d'entrée marque le début de votre espace. Mais du point de vue d'un chat, c'est un obstacle artificiel situé au milieu de son domaine."]; ce qui me rappelle l'hilarant Let Me In sur le site de Simon's Cat.

À toutes ces questions un chat répondrait probablement "Pourquoi pas?", mais Davidson développe un tout petit peu plus.

Dans chaque cas l'accent est mis sur le point de vue du chat. Un chapitre se demande par exemple pourquoi un chat, au milieu de plusieurs humains, va volontiers s'installer près de la personne qui apprécie le moins les félins. Ce n'est pas du sadisme puisque Minet ne sait pas que Mme Chose ne l'aime pas. L'explication donnée est la suivante: contrairement aux primates-sur-deux-pattes les chats évitent de se regarder dans les yeux, car c'est grossier et agressant. Ça ne se fait pas entre gens de bonne compagnie. S'il se retrouve en présence d'un groupe de personnes dont plusieurs le fixent, dévoilent leurs dents et agitent les mains dans sa direction en poussant de petits cris ("minou minou minou!"), tandis qu'une autre l'ignore royalement, le matou ira plus facilement vers cette dernière. Calme = sécurité.

On retrouve cette question du regard à la page "Pourquoi mon chat boude-t-il?". Minet tourne le dos à son humain? Celui-ci pourrait croire que son chatounet le boude. Erreur. Chatounet est très conscient de la présence du primate. En détournant le regard il se conforme simplement au savoir-vivre de la gent féline. Loin de bouder, il est en fait amical et d'humeur sereine (mais ça ne va pas durer si Homo Sapiens vient le tripoter et lui crier dans les oreilles...)

jeudi 25 novembre 2010

Prix : les meilleurs romans policiers 2010 en Suède

Les prix pleuvent en cette saison, alors un de plus ou un de moins...
La "polaracadémie" suédoise a dévoilé ses champions pour 2010! (Voir les nominations ici.)


Meilleur polar suédois: Den döende detektiven, de Leif GW Persson (auteur de Comme dans un rêve, où figurait déjà le flegmatique commissaire Lars Martin Johansson). L'ex-chef de la Criminelle est désormais à la retraite et s'est retiré à la campagne. Alors qu'il fait une courte visite dans la capitale il se réveille à l'hôpital; rupture soudaine d'anévrisme. C'est un nouveau Johansson qui émerge du coma après trois jours.





Meilleur polar étranger traduit en suédois: Devils Peak, de Deon Meyer (publié en français sous le titre Le Pic du diable chez Seuil). La couverture suédoise est tout simplement hideuse.





Meilleur premier roman (suédois): [geim], d'Anders de la Motte (ça rime avec Bernadotte! et c'est tout ce que je sais de cet auteur...). Un petit truand et une flic de la Säpo voient leurs routes se croiser à l'occasion d'un drôle de "jeu" qui mêle réalité virtuelle et Internet ("geim" prononcé à la suédoise sonne comme "game").

mercredi 24 novembre 2010

Sukkwan Island : No Redemption


Sukkwan Island, David Vann, Éd. Gallmeister, 2010, 192 pages. Traduit de l'anglais par Laura Derajinski.

Tout a déjà été dit sur ce roman. Je ne compte plus les blogs qui lui ont consacré un billet, sans parler des critiques littéraires... Encore une fois j'arrive longtemps après la bataille ;-)

Écouter Oliver Gallmeister parler de son métier et de "ses" auteurs à la fin octobre m'avait décidé à partir à la découverte de Sukkwan Island.

Contrairement à mes habitudes, et à ma grande surprise, j'ai lu ce -court- roman d'une seule traite, tournant la dernière page tard samedi soir (ou plus exactement tôt dimanche matin).

* * *
Courte présentation de l'histoire

Roy est un ado américain, il vient d'avoir treize ans. Il a grandi en Alaska, à Ketchikan, mais depuis le divorce de ses parents il vit en Californie avec sa mère et sa petite sœur, Tracy. Le père, Jim, est resté en Alaska où il exerce la passionnante profession de dentiste et rate ses mariages successifs.

Jim décide de changer de vie. Il vend sa maison pour acheter un bout d'île dans un coin paumé du sud-est de l'Alaska: Sukkwan Island (Wikipedia). Il propose à son fils Roy de passer une année avec lui au contact de la nature. Une année entre père et fils pour pêcher, chasser, jouer aux cartes et apprendre à mieux se connaître. Face à une intrigue de ce genre, ma réaction habituelle est la fuite (du bouquin par la fenêtre) mais Sukkwan Island n'est pas un de ces banals et fatigants "tu-seras-un-homme-mon-fils".

Après avoir longuement hésité, Roy accepte. Le récit commence avec leur arrivée sur Sukkwan Island, en hydravion (principal moyen de déplacement dans ses étendues immenses).

Bien évidemment tout ne se passera pas comme prévu. Jim se comporte parfois de manière étrange et son fils a bien du mal à comprendre les crises de larmes nocturnes ou son indécision face à certaines situations. Roy semble en fait plus équilibré que son père, à tel point que parfois les rôles père/fils semblent s'inverser.

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Nos choix font-ils le poids face aux circonstances?

Sukkwan Island n'est pas un roman follement optimiste... c'est en fait une (belle) tragédie.

La nature y joue un rôle important. Elle offre un cadre splendide et impressionnant -quelque peu effrayant aux yeux d'un citadin endurci- mais elle est également une prison car même avec un petit Zodiac on ne peut pas aller très loin, la région n'étant qu'un vaste patchwork d'îles fort peu peuplées.

[Ce qui suit ne contient pas de spoilers à proprement parler, mais s'en approche dangereusement. La prudence s'impose... l'idéal est d'aborder le roman directement, sans "préparation"]

Les personnages de Jim et Roy sont fort bien dépeints. Les (dés)espoirs et le destin de Jim sont poignants, et je suis en désaccord avec Cynic63 (Noirs desseins) sur ce point (entre autres): "Je ne peux donc pas dire que je n’ai rien ressenti pour ce brave dentiste (...) Non content d’avoir fichu en l’air deux mariages, entraîné avec lui dans les tréfonds de son inconséquence famille et amis, il faudrait en plus qu’on le plaigne, qu’on trouve admirable cette espèce de non-sens où il entraîne encore quelqu’un (...)"

Je ne crois pas que le récit nous incite à plaindre ou admirer les décisions de l'un ou de l'autre, et surtout pas celles du père. Le paragraphe-couperet qui clôt le roman (et qui s'adresse peut-être autant à Jim qu'au père de l'auteur, voir le lien vers In Cold Blog plus bas) est une condamnation plutôt qu'une justification. On ne peut pas non plus parler de "non-sens"; certaines actions de Jim sont critiquables mais son projet a du sens, du moins en a-t-il pour des gens qui ont vécu une partie de leur vie dans des bleds du fin fond de l'Alaska, et l'issue aurait été très différente en d'autres circonstances (l'isolement en pleine nature joue un rôle crucial dans l'évolution de l'intrigue).

Bladelor (Oceanicus in Folio) a également de grosses réserves. Elle aussi aimerait bien filer des baffes à Jim Fenn! Pour ma part j'éviterais: le bougre semble vigoureux et il serait bien capable de riposter... Contrairement à Bladelor je n'ai pas remarqué de longueurs, mais peut-être mon goût pour le polar scandinave m'a-t-il immunisé? ;-) Les nombreux passages sur l'exploration, la chasse, la pêche, la conservation de la nourriture qui tourne à l'obsession, tout cela aide le lecteur à mieux appréhender la situation critique des protagonistes. Trouver de la nourriture et la conserver est vraiment un problème majeur pour Roy et Jim, et c'est un problème méconnu de la grande majorité des lecteurs (éventrer une boîte de conserve, je sais comment ça se passe, je n'ai pas besoin qu'on me détaille le processus; à l'inverse ne manger que ce que l'on peut attraper et tuer ne fait pas vraiment partie de mon quotidien). De plus, sur une île sans Internet, sans télévision, sans bibliothèque de quartier, sans console vidéo, sans même un ou deux Témoins de Jéhovah pour vous distraire le samedi matin, la routine de la (sur)vie au grand air occupe nécessairement une place prépondérante. Il faut que le lecteur s'imprègne de tout cela, et je ne sais pas si l'auteur aurait pu réduire son texte sans nuire à "l'atmosphère".

Yspadadden remarque: "C’est un roman très factuel qui tourne le dos à l’interprétation pour laisser agir les personnages. Le lecteur peut-être dérouté par le manque d’explications ou d’interprétation, mais il n’en pénètre pas moins le cœur de ces deux êtres." Ce choix de l'auteur (montrer tout, plutôt que tout expliquer) laisse au lecteur une liberté que je trouve appréciable.

Morgane (Carnets noirs) exprime bien ce que beaucoup de lecteurs ont sans doute ressenti: "Il y a des romans qui nous laissent une impression, qui nous enveloppe et nous coupe du monde. C’est ce qu’obtient David Vann dans Sukkwan Island. Il instille une atmosphère, un malaise presque palpable et au dernier moment nous frappe d’une phrase, nous faisant sursauter, relire le passage de surprise: Non, c’est pas vrai?" Il faut en effet poser le livre un instant et se pincer (surtout passé minuit!) pour réaliser le tour que vient de prendre l'histoire.

D'autres avis chez Canel ("Un livre dur, émouvant, marquant. A lire !"), Mic/Noir suspense ("Ce livre, c'est comme une pièce en deux actes ... lorsque le rideau tombe à la fin du premier, le lecteur est sonné. La seconde partie nous entraîne dans un gouffre sans fond."), Isa/Lire-lire-lire ("Je ne peux pas dire que j'ai été happée par l'histoire, je ne me suis pas ennuyée non plus mais c'est loin d'être un coup de cœur..."), Sophie ("Ce roman est prenant, dur et triste à la fois. Je suis passée par tous les sentiments"), Émeraude/Là où les livres sont chez eux (qui n'est visiblement pas adepte du trip "retour à la nature"!). Lystig/L'Oiseau lyre propose un petit glossaire des termes qu'un citadin européen ou québécois ne connaît pas nécessairement (je n'avais pas du tout compris quel outil Roy fabriquait... je n'avais aucune idée de ce qu'était un "bâton à lancer"). Merci à Lystig pour le lien vers In Cold Blog: le billet tout d'abord ("A la fois thriller psychologique et huis clos des grands espaces, Sukkwan Island est tout bonnement imparable. La tension sourd à toutes les pages, le malaise va crescendo, et l’angoisse, comme la pluie qui tombe sans discontinuer, poisse tout sur son passage. ") mais aussi et surtout pour ces propos de David Vann sur le roman (100% spoiler! À lire uniquement après le bouquin). La question du rôle père/fils est peut-être plus complexe que ce que l'on pourrait penser au premier abord...

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Gallmeister viendrait-il, l'air de rien, de m'inoculer le goût du nature writing? À moi, qui me sens mal lorsque le taux de dioxyde de carbone dans l'atmosphère est trop bas, ou qui panique lorsque la nuit est vraiment noire?

Sukkwan Island ne va pas jusqu'à me donner envie de faire du camping en Abitibi ou sur la Côte-Nord (c'est pas demain la veille) mais poursuivre la découverte de ce genre littéraire, ça oui.

[Un grand merci à Gallimard Ltée & Gallmeister pour ce sombre bijou]

vendredi 19 novembre 2010

Pour nous aider à endurer l'hiver

Les prévisions pour les trois premiers mois de 2011 continuent; il faudra penser à ne pas tout dépenser pour Noël!

L'Islandaise Yrsa Sigurdardottir est annoncée en français chez Anne Carrière avec Ultimes rituels, roman que j'ai découvert en anglais sous le titre Last Rituals.

Mari Jungstedt poursuit sa série gotlandaise avec Le cercle intérieur, à paraître cette fois-ci au Serpent à plumes.

Triplé norvégien: Haine, d'Anne Holt, est imminent au Québec (Serpent à plumes). Début 2011 nous pourrons découvrir un nouveau Jo Nesbø intitulé Le léopard (Gallimard) ainsi que L'écriture sur le mur de Gunnar Staalesen (Gaïa). Ça va faire plaisir à certains! ;-)

Le Serpent est en train de se constituer un bel échantillon de littérature policière scandinave; en prime les couvertures sont sympas.

jeudi 18 novembre 2010

Bientôt disponibles

Elle n'avait rien publié depuis 2008.

Avril 2011 verra le retour d'Åsa Larsson avec Till offer åt Molok (En sacrifice à Moloch), cinquième roman de la série Rebecka Martinsson. Gallimard n'étant pas très pressé de poursuivre les traductions, les lecteurs francophones risquent d'attendre longtemps (les curieux ont intérêt à se tourner vers les éditions anglophones).

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Arne Dahl revient chez Seuil avec la troisième aventure du Groupe A: Jusqu'au sommet de la montagne est annoncé pour la fin février 2011.

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Håkan Nesser revient lui aussi chez Seuil, sans doute en mars, avec Eva Moreno.

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Last but not least, Eva Gabrielsson est attendue chez Actes Sud, peut-être en janvier.

La compagne du regretté Stieg Larsson signe un ouvrage au titre accrocheur: Millénium, Stieg Larsson et moi.

jeudi 11 novembre 2010

Tag des quinze auteurs

Un petit tag pour se détendre, à l'invitation de Canel.
Pas exactement mes quinze auteurs préférés (je serais incapable d'établir une telle liste) mais quinze auteurs parmi mes préférés. Dans le désordre le plus complet:

Les plus ou moins anciens: Charles Baudelaire (pas uniquement ses poèmes sur les chats). H.P. Lovecraft, génial inventeur des mythes de Cthulhu. J.R.R. Tolkien vient facilement à l'esprit avec son univers incroyablement fouillé (ma lecture préférée vers 16-18 ans, et il reste bien placé dans mon panthéon personnel). Du fantastique passons à la SciFi avec Frank Herbert et son cycle de Dune (des personnages détestables -des tyrans dotés d'ego monstrueux- mais une histoire prenante et pas mal tordue).

La bande dessinée a également eu sa place dans ma vie de lecteur, grâce notamment à René Goscinny, qui a laissé un bien grand vide à sa disparition. Fluide Glacial est une institution en soi, avec plein de dessinateurs de talent comme Gotlib (sa Rubrique-à-Brac en particulier) ou Gaudelette parmi les petits nouveaux.

J'ai toujours eu un faible pour les polardeuses britanniques, comme Agatha Christie ou Anne Perry. C'est mon côté arsenic & vieilles dentelles.

Toujours britannique, mais plus classique: E.M. Forster, un auteur dont on a reparlé il y a une vingtaine d'années (déjà?!) grâce aux belles adaptations cinématographiques de James Ivory.
Classique, mais scandinave: Pär Lagerkvist (Le Nain a été une de mes lectures les plus marquantes; il faudra que je reparle de cet auteur).

Les polardeux nordiques sont évidemment en bonne place avec en particulier le Suédois Johan Theorin et l'Islandais Arnaldur Indridason, les deux incontournables du genre. Je me sens comme une groupie de quatorze ans à l'approche de chaque nouveau titre... Il ne manque plus que les posters au-dessus du lit (mais là je me suis dit "non, non, non, ce serait too much.")

(Il avance bien, ce prochain roman?)

Stieg Larsson. Sa trilogie a (re)lancé durablement l'intérêt pour les romans policiers "à la scandinave". Rien que pour ça il mérite des louanges.

Côté français francophone, Georges Simenon et son commissaire Maigret. Agréablement rétro. Sur les rives du St-Laurent Michel Tremblay est inévitable, une sorte de trésor national (comme la poutine, mais en nettement plus digeste). Ses Chroniques du Plateau Mont-Royal valent le détour mais j'ai aussi bien aimé Le Cœur découvert et Le Cœur éclaté.

Parmi les essayistes j'apprécie beaucoup certains textes d'André Comte-Sponville ou Richard Dawkins, sans oublier Stephen Jay Gould (hélas disparu en 2002 à l'âge de 61 ans).

Ça fait très fourre-tout et j'en ai oublié, mais on amasse tant de lectures au fil des ans... (et en prime j'ai cité 19 noms au lieu de 15 - tant pis!)

Je passe le relai à Mic de Noir Suspense.

vendredi 5 novembre 2010

Bonne nuit, mon amour - Sobre et sombre


Bonne nuit, mon amour (titre original God natt min älskade), Inger Frimansson, Éd. First, 2010, 393 pages. Traduit du suédois par Carine Bruy.

Justine Dalvik vit seule, dans la maison de son enfance, sur les rives du lac Mälar (dans les environs de Stockholm). Elle partage la demeure avec un gros oiseau qu'elle a recueilli lorsqu'il était encore un oisillon.

Justine n'a pas toujours été chanceuse dans la vie. Souffre-douleur permanent de ses camarades d'école, elle a perdu sa mère lorsqu'elle était enfant; son père, un riche homme d'affaires, a ensuite épousé sa secrétaire de direction, Flora, qui s'est révélée être une marâtre de première catégorie. Papa est mort d'une crise cardiaque, laissant sa fille adolescente aux bons soins de belle-maman chérie. Flora vit désormais à l'état de légume dans une maison de convalescence.
N'oublions pas le grand amour de sa vie, Nathan, mort récemment lors d'une expédition touristique dans la jungle indonésienne.

Justine a un peu la poisse.

Pas découragée par les aléas de l'existence, elle compte bien raviver la flamme de l'amour auprès de Hans Peter, rencontré par hasard lors d'un jogging. Hans Peter vit seul. Il occupe un poste de réceptionniste de nuit dans un hôtel. Pas glamour pour un sou, Hans Peter a trois occupations principales dans la vie: son travail, ses bouquins, et endurer les dîners de famille lorsqu'il rend visite à ses parents.

Le bonheur va-t-il enfin sourire à Justine?

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J'étais très curieux de lire ce roman, qui a reçu le prix du meilleur polar de l'année lors de sa parution en Suède en 1998 (prix décerné par la Svenska deckarakademin). Il est signé par une auteure bien connue dans son pays, où elle écrit des romans pour tous les âges.

À la lecture, je comprends mieux pourquoi les éditeurs français ne se sont pas jetés dessus. Ce roman est en effet un peu inhabituel. Ce n'est pas vraiment un thriller, et ce n'est pas un roman policier proprement dit (un flic fait quelques apparitions dans le dernier quart du bouquin et c'est à peu près tout). First le présente comme un "roman noir" et ça me semble une bonne étiquette pour ce livre. "Roman noir scandinave à suspens", pour être vraiment complet!

Et le mot "scandinave" prend ici tout son sens: peu de scènes d'action; une violence essentiellement psychologique; un nombre limité de personnages; des états d'âme qui se révèlent plus volontiers par les actes, les paroles... et parfois les silences.

C'est du scandinave "pur sucre" en quelque sorte! On y retrouve la même noirceur que chez d'autres auteurs, mais ce n'est pas joyeux comme du Läckberg, ce n'est pas du Stieg Larsson, et on n'y trouve pas de personnage "fort" et attachant comme le Wallander de Mankell ou le facétieux V.V. de Nesser.

Je glisse Bonne nuit mon amour dans la section "coup de cœur" bien que dans ce cas précis il faudrait peut-être parler de "coup de cerveau", le cœur étant assez peu sollicité par ce récit d'une grande sobriété.

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Extrait

Les animaux rendaient Flora malade; ils lui provoquaient des frissons et la nausée. Un chat s'était faufilé dans l'entrée, et elle l'avait chassé à coups de balai, ses poils et sa queue se hérissant.
Quand son père lui avait souhaité bonne nuit, Justine le lui avait raconté.
Son visage se décomposa, et il lui caressa doucement la main, longtemps et doucement.
Soir après soir, elle réclamait un animal de compagnie à son père. Un chat, un chien ou un oiseau. Il l'aurait peut-être accepté, or, il était totalement soumis aux caprices de Flora.
- "Ce sont des sacs à puces et des nids à saletés, disait-elle, tandis que ses yeux de porcelaine peints les fixaient, dénués de pitié. Des bactéries. Des odeurs. Les animaux sont des animaux et ils n'ont pas leur place dans les maisons des hommes."
La fourrure de renard bleu, c'était une autre histoire. Il était mort. Elle la reçut un jour d'hiver, en geste de conciliation. Il fallait souvent apaiser Flora.

* * *

Inger Frimansson n'en avait pas terminé avec Justine Dalvik, qui est donc revenue en 2005 dans Skuggan i vattnet (L'ombre dans l'eau). Roman que les membres de la Svenska deckarakademin se sont empressés de récompenser, lui aussi!