Hypothermie (titre original Harðskafi), Arnaldur Indridason, Éd. Métailié, 2010, 296 pages. Traduit de l'islandais par Éric Boury.
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Ouverture
Ouverture
Maria a perdu sa mère, Leonora, emportée par la maladie. Les deux femmes ont toujours été très proches et cette disparition l'affecte beaucoup. Deux ans plus tard, elle se pend dans son chalet sur la rive du lac de Thingvellir (1). Son corps est découvert par une amie, Karen, qui ne croit pas à un suicide. L'autopsie ne révèle pourtant rien de suspect, ni drogue, ni marque de coups; il n'y a aucun signe d'effraction ni la moindre trace de lutte. Maria était seule dans le chalet. Son mari -Baldvin- était dans leur maison à Grafarvogur, une banlieue de Reykjavik, au moment du drame. Sa femme l'a appelé peu de temps avant de se suicider, mais rien dans leur conversation ne laissait supposer qu'elle était sur le point de commettre un tel acte.
L'enquête détermine qu'il s'agit d'un suicide. Mais Erlendur est intrigué par la personnalité de Maria, par son enfance marquée par la perte tragique de son père, mort noyé dans les eaux du Thingvallavatn. Intrigué par la cassette que lui remet Karen quelques jours plus tard; la défunte avait consulté un médium et la séance avait été enregistrée. Depuis le décès de sa mère Maria était obsédée par les théories sur la vie après la mort, elle voulait se prouver que quelque chose perdure, "après". Sa mère avant de mourir lui avait fait une promesse: s'il y a une vie après celle-ci, elle lui laisserait un signe...
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Les fantômes d'Erlendur
Ce sixième polar d'Arnaldur Indridason se démarque des précédents (voir le récapitulatif de la série). Erlendur fait cavalier seul, à l'écart de l'administration policière. Les inspecteurs Elinborg et Sigurdur Oli ne partagent pas son désir (son besoin?) de comprendre pourquoi une femme s'est suicidée, quelque part du côté de Thingvellir. Ils ont d'autres casseroles sur le feu et n'apparaissent que très peu dans le récit. Visiblement habitués aux fantaisies d'Erlendur, ses supérieurs le laissent agir à sa guise.Les fantômes d'Erlendur
"Je croyais que tu ne t'intéressais qu'aux disparitions."
"Un suicide, c'est aussi une disparition."
"Un suicide, c'est aussi une disparition."
Elinborg et Sigurdur Oli sont encore plus perplexes lorsque le commissaire ressort des cartons trois dossiers datant d'une bonne trentaine d'années, à l'époque où Erlendur débutait sous les ordres de Marion Briem. Trois disparitions non résolues: un jeune homme parti seul dans la nuit après une fête bien arrosée. Une jeune femme d'Akureyri, étudiante à l'université de Reykjavik, disparue sans laisser de traces. Un autre jeune homme, David, lycéen à Reykjavik, disparu en 1976. Une visite du père de David, désormais veuf, vieux et malade, ravive l'intérêt du commissaire. Il décide de faire une dernière tentative pour éclaircir ces vieilles affaires et, si possible, apporter un peu de paix à un vieil homme.
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Harðskafi
Harðskafi
On retrouve dans ce roman un thème récurrent des aventures d'Erlendur: les disparitions. À commencer par celle de Bergur, le jeune frère d'Erlendur, égaré lors d'une soudaine tempête de neige alors que les deux enfants accompagnaient leur père, il y a très longtemps sur la lande d'Eskifjardarheidi (2). Son corps n'a jamais été retrouvé.
Ce souvenir hante le commissaire d'un roman à l'autre, et Bergur est plus que jamais présent dans ce sixième opus. Erlendur confie à sa fille, Eva Lind: "Parfois, j'aimerais qu'il me laisse tranquille, qu'une journée entière passe sans qu'il vienne dans mes pensées."
"Et ça n'arrive jamais?"
"Non, ça n'arrive jamais."
Harðskafi, titre original de l'ouvrage, est le nom d'une montagne au nord d'Eskifjördur. C'est peut-être là que le jeune garçon a été entraîné par la tempête, c'est en tout cas ce que croyait la mère d'Erlendur et Bergur (cette photo sur le site visindavefur.hi.is aide à repérer la montagne, en arrière du fjord).
Mais alors, pourquoi les éditions anglaise et française ont-elles pour titre Hypothermie? Parce que l'Islande est l'Islande et qu'il n'est pas difficile d'y mourir de froid. Lorsqu'on se perd dans une tempête de neige ou que l'on fait une chute dans les eaux glacées d'un lac, par exemple.
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Sans obscurité, point de lumière
Sans obscurité, point de lumière
"Il fixa longuement les flancs de la montagne, silencieux et grave, avant de se mettre en route, à pied, avec sa canne de randonneur et son petit sac à dos. Il avançait à grands pas, cerné par le silence de la nature qui s'était endormie pour l'hiver. Bientôt, il avait disparu dans la brume glaciale."
Hypothermie est un roman lent, intimiste, qui décevra peut-être les amateurs d'action. Les autres se glisseront avec un frisson dans cette histoire sombre, tout juste éclairée par la beauté des paysages, l'humour (très) discret d'Erlendur, et par la franche Eva Lind qui s'installe tout doucement dans la vie de son père. Une histoire où il est bien plus question de hasard et de fatalité, de culpabilité et d'incompréhension entre les êtres, que de procédure judiciaire.
À lire: le blog d'Éric Boury (3) qui recense plusieurs critiques ici, ici, ici, ici et encore ici puis là! Nordic Bookblog, Irresistible Targets.
[Un gros merci à Mathieu & Dimédia pour cet indispensable bouquin.]
---NOTES---
(1) Thingvallavatn, le lac de Thingvellir. Des photos sont disponibles sur le Net: une aurore boréale sur les eaux du Thingvallavatn (Le Routard), une vue du lac, et une autre (Wikipedia)
(2) Voir page 160 et suivantes. La géographie islandaise m'est totalement inconnue et j'ai été très content de trouver cette carte sur le site www.isholf.is (il faut repérer le village d'Eskifjördur, un peu au sud du centre de la carte).
(3) Grâce à sa traduction j'ai appris un nouveau mot: "valétudinaire" (p.196), qui signifie "de santé fragile", "frêle".
9 commentaires:
bien évidemment dans la LAL !!!
une petite question : avez-vous lu "Libri di Luca" ("Librairie des Ombres") de Mikkel Birkegaard ?
Non pas encore, sauf erreur il est arrivé cette semaine seulement au Québec.
Nous recevons la plupart des romans un bon mois après la sortie en France.
Har du läst den?
Les photos sont magnifique ! Ça me donne vraiment envie de lire hypothermie.
Hypothermie peut se lire indépendamment des autres titres de la série, mais ce n'est pas le plus caractéristique du lot (La Femme en vert est plus "typique").
Quant aux fans de la série, Hypothermie les fera "tripper". Pas à cause des intrigues elles-mêmes (bonnes, sans plus) mais à cause d'Erlendur et ses interactions avec son entourage. C'est là que l'auteur déploie tout son talent.
Mmm, mmm, très très tentant, ce roman !
C'est très vrai mais je ne suis pas totalement objectif: depuis La femme en vert, dès que je vois "Arnaldur Indridason" sur un bouquin je me laisse tenter sans même me préoccuper de la 4e de couv.
Bonjour,
Je trouve que ce volume renouvelle ou en tous cas relance un peu la série. Erlendur en "free lance", plus loquace que d'habitude, toujours attaché à "fermer les cercles"...
Finalement un bon tournant pour ce personnage.
Et c'est vrai que "la femme en vert", c'est quelque chose....
Je vous rajoute en lien chez moi
Tout à fait d'accord. Les précédents volumes se concentraient sur les intrigues, l'histoire (L'Homme du lac) ou la société islandaise (Hiver arctique), et la vie intime d'Erlendur était abordée d'un roman à l'autre.
Ici c'est pleins feux sur Erlendur, on découvre beaucoup mieux sa mère, son ex-femme, on saisit mieux l'importance qu'a eu (et a encore!) le frère absent.
Un régal.
Le lien direct vers le billet de cynic63:
Noirs desseins
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