dimanche 27 décembre 2009

Les hommes qui n'aimaient pas les femmes


Les hommes qui n'aimaient pas les femmes, Stieg Larsson, Actes Sud 2006, traduit du suédois par Lena Grumbach et Marc de Gouvenain.

Il m'en a fallu du temps pour me lancer à la découverte du continent Millénium... Au début je me disais "bah, je vais attendre de voir si ça plaît aux copains". Ensuite je suis passé à "bon, je vais attendre que la trilogie soit complète", puis à "mais il me faudrait trois semaines de vacances pour lire tout ça!"

Trois semaines de congés consécutives -payées- étant illusoires au Canada (ironie), étant donné par ailleurs que les films commencent à sortir et que je préfère lire un bouquin avant de voir son adaptation au cinéma, j'ai décidé de lâcher mes excuses bidons et de sauter le pas.

Je ne le regrette pas. Oh que non.

Puisque je dois être un des derniers à découvrir Millénium, je ne résumerai pas l'histoire. Si toutefois quelqu'un avait encore besoin d'une courte présentation de l'intrigue du tome 1 (sans spoilers) il pourrait par exemple consulter la 4e de couv' sur SkandiLit.

L'intrigue n'a rien de très original en soi, mais elle est très prenante. Comme j'avais pris soin de ne rien savoir de l'histoire -vu le succès mondial de Millénium j'ai du mérite- j'ai pu savourer chaque détour du roman, chaque révélation, chaque page.

Des critiques je n'avais retenu que deux choses: quelques vagues remarques désobligeantes sur la traduction. D'autres avis critiquaient l'absence d'action dans la première moitié du bouquin.

* * *

Concernant la traduction je ne peux pas en dire grand-chose. Non seulement je n'ai pas lu l'original en suédois mais mon niveau ne me permettrait pas, de toute manière, de juger sérieusement la qualité du travail des traducteurs. À noter que le titre en suédois est un peu plus fort que la traduction française: Män som hatar kvinnor signifie littéralement Les hommes qui haïssent les femmes.

À part la présence d'un laid et irritant "solutionner" au lieu de "résoudre", le texte m'a semblé correct. Un petit regret peut-être: quelques notes de bas de page (ou un tout petit glossaire) auraient pu aider les lecteurs francophones. Le bouquin contient en effet des références à l'histoire ou à la politique suédoise. Des partis politiques sont parfois mentionnés au détour du récit, comme "les modérés" (il doit s'agir de Moderaterna, un parti de droite), ainsi que "le parti de la gauche" qui doit très probablement être Vänsterpartiet. Ces traductions littérales ne nous disent pas grand-chose. À titre de curiosité, le "parti de la gauche" n'est rien de plus que l'ex-parti communiste, qui s'appelait Vänsterpartiet - kommunisterna (vpk) jusqu'au début des années 90; la chute de l'URSS et un choix marketing ont eu raison du mot "kommunisterna". Son intitulé ronflant (le parti de gauche) reflète mal son caractère marginal (5.85% aux élections parlementaires de 2006, source Wikipedia).

Mais en toute franchise c'est du détail, de telles informations ne sont absolument pas nécessaires pour lire et apprécier le livre. Les hommes qui n'aimaient pas les femmes n'est pas un "polar politique".

Les références historiques seraient, elles, plus utiles. Stieg Larsson était un des fondateurs d'Expo, un magazine suédois spécialisé dans les mouvements d'extrême droite, fascistes, néonazis (le site du magazine consacre à l'auteur de Millénium une page hommage et souvenir). Ce n'est donc pas une grande surprise de voir la Ligue national-socialiste pour la liberté (p.96) ou le nazi Furugård (cf. Wikipedia) mentionnés dans le roman.

* * *

Concernant la "longueur" ou l'absence d'action dans la première moitié du livre, je ne suis tout simplement pas d'accord. Les 276 premières pages (les chapitres Incitation et Analyse des conséquences) sont riches en informations. Certes, Mikael Blomkvist et Lisbeth Salander (qui ne se connaissent pas encore) ne bondissent pas partout, pistolet au poing, mais ils sont tous les deux très occupés avec leurs problèmes et les énigmes qui commencent à se présenter.

Comme dirait Hercule Poirot, leurs petites cellules grises sont amplement sollicitées. Le lecteur a intérêt à être attentif car il va apprendre bien des choses non seulement sur la trame du récit (la famille Vanger, ses membres, ses querelles internes, la disparition de Harriet Vanger en 1966, le village de Hedeby, les rappels historiques, etc.) mais aussi sur le caractère des héros et leur manière de voir le monde.

* * *
j'aime, j'aime moins

J'ai beaucoup aimé le déroulement de l'intrigue, y compris le rythme. L'apparente lenteur du début -à ne pas confondre avec une absence d'action- est non seulement nécessaire pour bâtir le cadre (aussi bien dans l'espace que dans le temps), elle est aussi extrêmement utile pour faire mieux comprendre au lecteur la situation d'Henrik Vanger. Le vieux patriarche est sans nouvelles de sa petite-nièce, Harriet, depuis plus de trente-cinq ans. Henrik reçoit chaque année d'un expéditeur anonyme une fleur séchée sous verre qui lui rappelle ce funeste 22 septembre 1966, mais l'enquête est depuis longtemps au point mort et le corps n'a jamais pu être retrouvé. Lorsque Blomkvist, à son tour, se heurte à l'énigme de cette disparition et semble ne faire aucun progrès nous partageons sa frustration. C'est un procédé plutôt habile.

J'ai aimé également le cocktail de secrets de famille, de faits historiques, le côté "mystère de la chambre close" à la taille d'une île (la petite île de Hedeby où résident plusieurs Vanger - l'île s'appelle Hedebyön, ce qui veut tout bonnement dire "l'île de Hedeby").

Du côté des personnages mon enthousiasme est plus mitigé.

Lisbeth Salander est incontestablement la carte maîtresse du roman. Elle est une énigme à elle toute seule. Elle est superbement travaillée et Stieg Larsson lui a sans doute consacré beaucoup de temps.

Le journaliste Mikael Blomkvist (surnommé Super Blomkvist par des collègues un peu jaloux) est, d'après moi, moins intéressant. L'auteur a eu l'idée malheureuse d'en faire une sorte de piège à filles (salut, Dutronc). Et toutes sortes de filles, s'il vous plaît: depuis la working woman Erika, jusqu'à une grande bourgeoise oisive de 56 ans, en passant par une jeune femme à problèmes tatouée et percée des pieds à la tête, elles tombent toutes sous le charme d'un Mikael plutôt blasé. J'ai frémi d'inquiétude lorsque Mikael croise le chemin d'Isabella Vanger. Bon sang, elle a plus de 70 ans tout de même! Mais Isabella est une des rares à ne pas craquer pour le bellâtre châtain. Ouf. J'ai par contre failli éclater de rire lorsqu'un homme, dans une scène pourtant pleine de tension, s'attaque au slip du très peu consentant Super Blomkvist! C'est un peu beaucoup pour un seul personnage... on n'est plus très loin de OSS 117 dans le Grand Nord.

Ces très courts passages qui semblent écrits par un adolescent n'occupent heureusement que quelques paragraphes sur un total de 575 pages.

Ce n'est là qu'un défaut, somme toute mineur, dans un pavé plein de bonnes surprises et de suspense. En prime la couverture est superbe, ce qui ne gâte rien. Un très bon polar.

* * *
D'autres avis (que je peux désormais lire!)

Kathel a bien aimé, sans plus. Soie en a fait un coup de cœur. Nancy est enthousiaste ("je dis chanceux! à ceux qui ne les ont pas encore lus! Des heures de plaisir à venir" - héhé! je fais partie des chanceux, il me reste encore les volumes 2 et 3).

mercredi 23 décembre 2009

Wednesday the Destroyer & Millénium


Je n'avais jamais encore regardé attentivement la couverture du premier volume de Millénium (Les hommes qui n'aimaient pas les femmes, Stieg Larsson, éd. Actes Sud).

Il s'agit d'un portrait de la jeune actrice Christina Ricci dans le rôle de Mercredi Addams, alias Wednesday Addams en VO (à droite, photo dailymail.co.uk).

Le portrait -intitulé Wednesday the Destroyer- est une réalisation d'Isabel Samaras, comme le mentionne la page de copyright (à gauche, photo astrocat.com). Il représente la fille aînée de Morticia et Gomez Addams, ornée d'un collier fait avec des têtes de poupées Barbie (ou autre marque du même genre).
La référence est peut-être plus facile pour des Canadiens que pour nous autres Français qui connaissons moins la ténébreuse famille.

Le portrait de "Mercredi la destructrice" est un clin d'œil à une divinité exotique, probablement Kali qui est parfois représentée avec des colliers un peu bizarres (image Wikipedia).

Mercredi Addams était mon personnage préféré dans les deux films réalisés au tout début des années 90 (La famille Addams et Les valeurs de la famille Addams). Je suis content, bien qu'un peu surpris, de la retrouver sur le premier tome de Millénium.

Wednesday Addams, devenue adulte, serait-elle partie vivre à Stockholm sous le nom de Lisbeth Salander? ;-)

mardi 22 décembre 2009

Le diable aime les cœurs... saignants


Bleeding Heart Square, d'Andrew Taylor, publié cette année en format de poche chez Penguin Books, 16$ (édité initialement chez Michael Joseph, UK, 2008).

La traduction suédoise du roman (Det blödande hjärtat) a obtenu le prix du meilleur polar étranger 2009 en Suède.

Une traduction française serait en gestation au Cherche-Midi. À surveiller. Mise à jour mars 2011: l'édition française vient de paraître: Le Diable danse à Bleeding Heart Square, Éd. Le Cherche Midi.

L'histoire se déroule à Londres, en 1934, à l'époque du roi George V (grand-père paternel de la reine Élisabeth II).

La Grande-Bretagne est sortie victorieuse de la Première Guerre mondiale mais a payé un prix élevé. La crise économique de 1929 a suivi. Au début des années trente la vieille société victorienne craque de toutes parts et la Deuxième Guerre qui approche achèvera de transformer radicalement la société britannique. La fin de l'Empire britannique approche elle aussi. L'Inde, joyau de la Couronne (à l'époque elle englobe le Pakistan et le Bangladesh) deviendra indépendante en 1948.

Andrew Taylor situe son roman à cette époque charnière, entre les deux guerres mondiales, un an après l'arrivée des nazis au pouvoir en Allemagne.

* * *

Lydia Langstone n'est pas très heureuse en mariage. Son mari, Marcus, la considère comme sa propriété. Une brève altercation et deux violentes gifles décident Lydia à faire sa valise. Elle ne peut pas se tourner vers sa famille ou ses amis, car ils sont aussi la famille et les amis de Marcus et elle sait trop bien quelle serait leur réaction. Dans la bonne société londonienne en 1934, une femme doit savoir s'accommoder des "sautes d'humeur" de son époux. Le confort et la sécurité sont à ce prix. Il est surtout impératif de sauver les apparences en toutes circonstances afin de ne pas susciter les ragots. Le roman donnera quelques exemples de ce qu'une personne peut faire pour protéger sa réputation.

Tournant le dos à sa cage dorée Lydia part, bien décidée à ne plus revenir. Elle va sonner à la porte de son père, le capitaine Ingleby-Lewis, qu'elle n'a pour ainsi dire jamais connu. Son père a quitté le foyer bien des années auparavant. Sa mère s'est remariée et est devenue Lady Cassington.

C'est ainsi que Lydia Langstone arrive au 7, Bleeding Heart Square. L'endroit est un cul-de-sac plutôt miteux fermé au sud par une chapelle et un portillon donnant sur Rosington Place. Au nord se trouve un pub où le capitaine Ingleby-Lewis a ses habitudes, The Crozier, et l'accès à la rue.

La prise de contact avec la réalité est rude. Lydia n'avait auparavant jamais eu besoin de fournir le moindre travail, les serviteurs se chargeant de tout. Ses seules obligations étaient sociales. La voici désormais sans un sou (hormis quelques rares bijoux qu'elle a pensé à emporter). Son père, dont le principal loisir consiste à s'imbiber d'alcool, voit arriver cette fille oubliée sans grand enthousiasme.

Mais Lydia va faire face aux difficultés, apprendre les règles de son nouvel univers, et parviendra à gagner quelques rares alliés (très inattendus parfois) dans un monde où le chacun-pour-soi et le cynisme ne sont pas rares.

Elle rencontrera notamment le jeune Rory Wentwood, un ex-journaliste sans emploi de retour des Indes. Ce n'est pas par hasard que ce dernier s'installe au numéro 7. Il s'inquiète en effet pour la tante de sa fiancée. La tante, une certaine Miss Philippa Penhow, était l'ancienne propriétaire de l'immeuble mais elle n'a plus donné signe de vie depuis quatre ans. Rory pense pouvoir aider un policier, le Sergent Narton, qui ne croit pas à la version officielle selon laquelle Miss Penhow se serait enfuie aux États-Unis refaire sa vie.

Lydia et Rory s'intéresseront aux secrets qui entourent les lieux, et notamment ceux du bourru nouveau propriétaire Joseph Serridge, ancien "ami de cœur" de Philippa Penhow. Mais parfois, à trop se mêler des affaires d'autrui, on en subit les conséquences. Pas toujours agréables.

À ce récit principal -riche en rebondissements- s'ajoutent deux autres voix. Tout d'abord celle de Miss Penhow elle-même grâce à des extraits de son journal intime datant de l'année 1930; journal intime qui a disparu en même temps que sa propriétaire. Une autre voix commente ces extraits.

* * *

... don't go of a night into Bleeding Heart Square. It's a dark, little, dirty, black, ill-looking yard,
With queer people about... [en exergue du roman]

Bleeding Heart Square est un très bon roman dont on sort presque à regret. L'ambiance est très prenante, étouffante par moments. Les personnages sont touchants, vivants et crédibles. Le récit est dense, la logique interne impeccable.

Andrew Taylor a longtemps "mûri" cette histoire. Penguin a eu l'excellente idée d'inclure une annexe de quelques pages dans laquelle l'auteur raconte la genèse du roman. De nombreux éléments sont en effet tirés du monde réel, à commencer par Bleeding Heart Square et Rosington Place (où Lydia trouve son premier emploi) qui sont inspirés par Bleeding Heart Yard et Ely Place (voir la photo de droite, qui ressemble beaucoup à la description de Rosington Place; source "Margaret in London").

Certains personnages et événements sont issus des souvenirs d'enfance de l'auteur. Sa grand-mère lui avait raconté jadis une histoire qui, bien plus tard, a donné naissance à Miss Philippa Penhow.

Enfin, l'Histoire (avec un grand H) a sa place dans le roman. Lydia Langstone et Rory Wentwood ont l'occasion de rencontrer les peu sympathiques militants de la British Union of Fascists de Sir Oswald Mosley.

Mon conseil: guettez la traduction française, ou optez pour la version originale en anglais. 467 pages très british vous attendent. À savourer with a nice cuppa tea, bien sûr.


[Participe au challenge Lire en VO]


lundi 21 décembre 2009

Mise en images - Wallander & Millenium

La BBC a tourné de nouveaux épisodes tirés de la série Kurt Wallander de Henning Mankell - voir Nordic Bookblog qui reprend une info de l'ambassade de Suède à Londres.

Les Britanniques pourront voir le premier des trois téléfilms, Faceless Killers (Meurtriers sans visage) le 3 janvier.

J'en appelle à la Reine (qui est aussi reine du Canada) : faites envoyer les bobines à la CBC par la valise diplomatique, votre Majesté!

Nordic Bookblog se fait également l'écho d'une nouvelle qui circule un peu partout: Hollywood (plus exactement Sony Pictures) serait en train de négocier afin de tourner sa propre version de Millenium, la trilogie de Stieg Larsson. La nouvelle en français se trouve par exemple sur le site du Parisien.

En attendant on peut toujours se régaler de cette hilarante parodie du 7e Sceau d'Ingmar Bergman, par French & Saunders. Oh noooo!... I just can't find the teabags.

dimanche 13 décembre 2009

Le mur du silence : meurtres à la secte


Le mur du silence est la deuxième enquête (en français) du commissaire Van Veeteren. Elle est publiée au Seuil dans une traduction d'Agneta Ségol et Marianne Samoy.

On retrouve avec plaisir un Van Veeteren toujours aussi maussade et mal embouché. Les vacances estivales approchent. Pour occuper ses deux dernières semaines de travail avant son départ en Crète, il répond à l'appel à l'aide du jeune commissaire intérimaire Kluuge, à Sorbinowo.

Kluuge a reçu deux appels anonymes. Selon son informatrice, une fillette inscrite dans un camp de vacances organisé par un groupe religieux -La Vie Pure- aurait été assassinée.

Mais le gourou de La Vie Pure, Oscar Jellinek, nie toute disparition. Même son de cloches chez les trois "sœurs" qui supervisent le groupe de jeunes filles: personne ne manque. "VV" prend également la peine de discuter avec deux jeunes participantes du camp, Belle et Clarissa; elles ne sont pas très bavardes et plutôt méfiantes (face à Van Veeteren je peux les comprendre!) mais elles affirment elles aussi que toutes leurs camarades sont bien présentes.

L'appel anonyme ne semble donc pas très sérieux, et Van Veeteren espère savourer paisiblement les joies de Sorbinowo (cinéma, pique-nique sur le lac, bons restaurants).

Mais suite à un autre appel de la femme anonyme, le corps de Clarissa est retrouvé dans la forêt. Jellinek s'est évaporé dans la nature. Les trois assistantes du gourou se murent dans le silence.
Imaginez une petite fille de douze ans. Imaginez-la violée, souillée, assassinée. Prenez votre temps. Ensuite, imaginez Dieu. (M. Barin, poète, citation en exergue du roman)
Avec Le mur du silence, Håkan Nesser nous offre un autre roman réussi, à l'humour discret, suffisamment différent du précédent pour éviter l'ennui et les sensations de déjà vu. Van Veeteren est fidèle à lui-même mais laisse entrevoir d'autres facettes, en particulier une singulière timidité lorsqu'il est amoureux (les bras m'en sont tombés) ou encore son désir de laisser tomber son boulot de flic pour se recycler radicalement. L'offre d'emploi d'un bouquiniste de Maardam le tente beaucoup...

Pas d'inquiétude à se faire toutefois car cinq autres aventures attendent encore VV (voir la liste des titres de la série Van Veeteren).

Läckberg en images

Plusieurs aventures de Patrik Hedström et Erica Falck à Fjällbacka ont été filmées pour la télévision suédoise.

On peut voir le trailer du premier roman de la série, La princesse des glaces, ici. Ils ont pensé aux sous-titres en anglais, c'est sympa.

On y voit Erica (00:18), une vue du village de Fjällbacka (00:28), Patrik Hedström (00:46, je ne l'imaginais pas du tout ainsi), Mellberg (1:03), Patrick en train d'interroger Erica (01:16, une de leurs toutes premières rencontres depuis leur enfance) et d'autres personnages du roman.

Le tailleur de pierre sera diffusé à Noël. La bande-annonce est ici. Au moins une scène d'Olycksfågeln se glisse dans le trailer (00:02 l'accident de Marit Kaspersen). On aperçoit le jeune enquêteur Martin Molin (00:20, je l'imaginais beaucoup plus roux).

Les téléspectateurs suédois découvriront le quatrième épisode de la série, Olycksfågeln, pour le Nouvel An.

mercredi 9 décembre 2009

Il n'y a pas que les livres...

... il y a aussi la musique.

Lars Winnerbäck est un chanteur de grand talent. Je ne l'ai découvert que cette année. Mieux vaut tard que jamais!

Il est possible d'écouter plusieurs tounes sur YouTube, mais... ce n'est pas idéal pour de multiples raisons (la qualité très moyenne en étant une).

Winnerbäck est encore jeune mais sa discographie est bien fournie. iTunes Canada ne propose toutefois qu'un seul de ses albums: Vatten under broarna. C'est fort regrettable (si je commence à parler des trous dans le catalogue d'iTunes Canada je n'ai pas fini de râler).

C'est toujours mieux que rien car l'album contient plusieurs pépites dont les magnifiques Dom tomma stegen, Elegi ou Se dig om. Pour les autres albums il faut magasiner en Europe.

Nombre d'excellentes chansons figurent sur d'autres disques, comme Timglas (l'amour donne la force d'affronter l'absence de sens de l'existence), Tidvis (la séparation, réapprendre à vivre seul, endurer le manque et l'absence), Där älvorna dansar (encore un homme seul, qui se saoule un soir de printemps; les fées -älvorna- s'approchent un peu plus avec chaque verre et dansent une folle sarabande; "Tout devint nébuleux et je voyais des fées dans tous les coins", "Les fées dansaient dans le lit là où tu dormais").

On sent une influence irlandaise dans l'endiablée Spöket ou la mélancolique Tidvis.

J'en profite pour lancer un appel public au Hurley's: faites venir Winnerbäck! Il va vous la remplir votre salle au 2e étage! Et comme il ne chante ni en anglais ni en français on échappera à la guerre des langues ;-)

Skål !

dimanche 6 décembre 2009

Retour à la Grande Ombre


Retour à la Grande Ombre, traduit du suédois par Agneta Ségol et Pascale Brick-Aïda, éd. Seuil.

Håkan Nesser est un auteur très connu en Suède. Il est l'auteur d'une bonne vingtaine de livres. Plusieurs ont été mis en images pour la télévision suédoise.

J'étais très curieux de découvrir sa série Van Veeteren, qui met en scène un commissaire particulièrement ronchon. L'action de la série se déroule dans une ville imaginaire du nom de Maardam, quelque part en Europe du Nord (la sonorité des mots et le nom de la monnaie -le gulden- font penser aux Pays-Bas).

Retour à la Grande Ombre commence à l'été 1993. Un homme quitte la prison où il a été incarcéré pendant de longues années. Il retourne chez lui. Il est déterminé. Il a besoin d'une arme. De lui nous ignorons tout: son nom, la raison de son séjour en prison, où se trouve sa maison.

Printemps 1994, un corps sans tête, sans pieds, sans mains, est découvert dans une forêt. Il a séjourné là plusieurs mois. L'équipe du commissaire Van Veeteren va être chargée de l'enquête qui s'avère difficile: il n'y a quasiment aucune trace et l'identification de la victime est impossible étant donné son état.

Van Veeteren doit être opéré d'ici peu, il confie donc l'enquête au fidèle Münster, en lui assénant au passage "Mais je serai bien entendu à ta disposition quand tu te seras enlisé" - "Quand", se dit Münster, "pas si."

Le bourru commissaire a secrètement très peur de se faire charcuter. Ses petits enfants (deux jumeaux de trois ans) le rassurent à leur manière:
"On va te faire une piqûre, puis tu dormiras" avait expliqué l'un.

"Les morts, on les met dans la cave" avait complété l'autre.
L'opération se passe très bien; Münster rend fréquemment visite à son chef pour le tenir au courant de l'affaire, mais le commissaire va très vite s'ennuyer dans son lit d'hôpital. Martyriser les infirmières ne lui suffit plus et il retourne rapidement sur le terrain pour "désenliser" l'enquête.

Retour à la Grande Ombre n'est pas un whodunit: il est impossible de deviner qui est l'assassin. Le plaisir de lecture réside tout entier dans la personnalité du commissaire Van Veeteren (détestable, arrogant... la liste de ses défauts est longue) et dans le récit lui-même.

Nesser nous propose une intrigue plutôt bien ficelée, simple mais efficace. Il pimente également l'histoire avec un humour léger, un peu noir, qui contribue à l'ambiance. La fin est très surprenante et laisse voir un autre aspect de Van Veeteren.

J'anticipe avec plaisir la lecture du deuxième titre publié en français: Le mur du silence.

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La série Van Veeteren

La série compte dix titres:

1. Det grovmaskiga nätet, 1993 (prix du meilleur premier roman policier 1993)
2. Borkmanns punkt, 1994 (prix du meilleur roman policier 1994)
3. Återkomsten, 1995 (Retour à la Grande Ombre, 2005)
4. Kvinna med födelsemärke, 1996 (prix du meilleur roman policier 1996)
5. Kommissarien och tystnaden, 1997 (Le mur du silence, 2007)
6. Münsters fall, 1998
7. Carambole, 1999 (Funestes carambolages, 2008)
8. Ewa Morenos fall, 2000
9. Svalan, katten, rosen, döden, 2001
10. Fallet G, 2003

Comme on peut voir, il y a des "trous" dans les traductions.

La série s'arrête avec Fallet G. Håkan Nesser n'abandonne toutefois pas les polars. Il a commencé en 2006 une nouvelle série avec l'inspecteur Gunnar Barbarotti. Il est également l'auteur de plusieurs romans "autonomes" dont le dernier est paru cet automne et était sur les rangs pour le titre de meilleur polar de l'année (Maskarna på Carmine Street).

[Note: les prix "meilleur roman" mentionnés ci-dessus sont ceux de la Svenska Deckarakademin - une sorte d'académie littéraire suédoise composée d'auteurs et de critiques et qui se consacre au genre polar/thriller- une organisation dont il est assez souvent question sur ce blog!]

mercredi 2 décembre 2009

Flickorna i Villette - Les filles de Villette

Les récentes nominations de la Svenska Deckarakademin en 2009 (voir ici) ont attiré mon attention sur Flickorna i Villette, d'Ingrid Hedström, édité par Alfabeta. L'auteure avait en effet reçu le prix du meilleur premier roman en 2008 pour Lärarinnan i Villette (L'enseignante de Villette). Aucun des deux n'est annoncé en langue française pour le moment.

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L'auteure

Ingrid Hedström est journaliste de profession; elle travaille actuellement au sein du quotidien suédois Dagens Nyheter et est spécialiste des affaires européennes.

Dans le cadre de son métier elle a vécu à Bruxelles (plus précisément à Uccle, dans l'agglomération de la capitale) entre 1992 et 1997.

Dans cet article du DN, elle révèle avec humour que c'est la politesse des Belges qui l'a le plus marquée. Après son retour en Suède, ne plus se faire appeler "madame" lui a d'ailleurs beaucoup manqué:
"Ce qu'il y avait de pire en revenant en Suède après cinq ans passés à Bruxelles, c'était qu'on ne m'appelait plus 'madame'. En tant que madame je me sentais comme une personne importante et intéressante. En Suède je suis devenue une banale femme entre deux âges parmi d'autres." (1)
Son séjour en Belgique, son intérêt pour la construction européenne et pour son pays d'accueil, mais aussi les scandales politiques et affaires criminelles de l'époque (2) l'ont incité à situer l'action de ses polars dans une petite ville belge imaginaire, Villette-sur-Meuse.

Cette ville est sensée se situer en Wallonie, quelque part entre Namur et Dinant. Une partie de l'action du roman se déroule également à Bruxelles.

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Les personnages

L'héroïne est francophone et se nomme Martine Poirot. Un nom lourd à porter pour un limier belge! "Madame Poirot" est juge d'instruction au palais de justice de Villette. Trois adolescentes sont assassinées durant les festivités de la Saint-Jean et "Titine" est chargée du dossier (voir plus bas: "L'intrigue").

Le lien avec la Suède est ténu: l'époux de Madame Poirot, Thomas Héger, est certes Suédois par sa mère mais il vit et exerce sa profession de professeur d'histoire médiévale en Belgique.

Les personnages féminins occupent le premier plan. Outre la juge d'instruction on trouve dans le roman une ancienne actrice qui réalise désormais des documentaires (la belle-soeur, Sophie Lind), une jeune femme qui a la ferme intention de se lancer dans la mode et réaliser ses propres vêtements (la nièce, Tatia Poirot - Tatia est un diminutif de Catherine), une femme flic que l'enquête va contraindre à affronter de mauvais souvenirs de jeunesse (Annick Dardenne), une jeune greffière qui se croyait bien intégrée dans la petite société de Villette mais qui verra se ranimer le racisme anti-tsigane lorsque son cousin sera -temporairement- soupçonné de meurtre (Julie Wastia).

À ces personnages du temps présent s'ajoutent deux femmes qui ne sont plus: Renée (mère de Martine et Philippe) et sa meilleure amie Simone Janssens. Toutes deux ont été internées dans un camp pendant la guerre, suite à une dénonciation. Renée est revenue, Simone non.

Une simple présentation des principaux personnages permet de voir que la famille est un élément très important du roman. Soit parce que les relations entre les uns et les autres sont parfois houleuses, soit parce que des événements concernant les parents ou grands parents ont des conséquences encore dans le présent (l'action se déroule durant le mois de juin 1994).

J'ai été quelque peu déçu par Martine Poirot. Peut-être à cause de l'ombre de l'immense Hercule... je l'ai trouvée quelque peu froide, pas particulièrement vivante, pas assez charnelle.

Plus intéressantes sont Tatia (la jeune "gothique" passionnée de mode, indépendante et rebelle mais qui aimerait bien que ses parents divorcés cessent de se faire la gueule) ou Sophie Lind, femme forte s'il en est, qui a toujours aimé les hommes (et a été aimée en retour) mais sans jamais se soumettre à quiconque.

J'ai également apprécié les recherches dans le passé (qui sont surtout le fait de Philippe, le frère de Madame Poirot), qui permettent -même sommairement- de rappeler le sort de la Belgique durant la Deuxième Guerre mondiale, le mouvement rexiste et Léon Degrelle, l'occupation nazie et la collaboration, l'épuration d'après-guerre.

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L'intrigue

C'est hélas le point faible du roman. Bien que certains personnages soient intéressants et qu'il y ait quelques bonnes idées, l'intrigue est trop linéaire et il est bien trop facile de deviner l'identité du meurtrier.

Petit résumé du début: nous sommes en juin 1994. La municipalité de Villette a invité de nombreux journalistes européens dans le cadre des traditionnelles festivités de la St-Jean. L'équipe du maire a en effet décidé de placer Villette dans la course pour le titre de "capitale culturelle européenne". Mais tard dans la nuit, alors que la ville fait encore la fête, trois jeunes filles sont assassinées sur une petite route alors qu'elles rentraient à pied à la maison. Les manchettes des journaux vont être bien différentes de ce qu'espéraient les édiles municipaux: Villette risque de devenir la capitale européenne du crime, surtout après qu'un des policiers chargés de l'enquête découvre une étrange similitude avec une scène de crime datant de 1982...

Pour ma part j'aurais bien aimé découvrir les débuts de Sophie Lind au cinéma, son mariage avec Eskil Lind (le réalisateur suédois qui a lancé sa carrière) puis son divorce, son parcours d'artiste; ou encore suivre la vie sentimentale mouvementée de Philippe, sa sortie du placard, les quelques années passées loin de sa fille, son rapprochement avec celle-ci, etc. Même Julie Wastia mériterait un développement, avec cette grand-mère maternelle (Marie) qui tenait un petit stand sur un marché de Villette et tirait les cartes à certaines clientes; son oncle Bruno qui vit très bien du trafic de voitures "d'occasion" et qui a acquis une vision très cynique de la société dans laquelle il vit; son cousin (Jean-Pierre) qui s'est engagé dans l'armée, a vécu -sous le drapeau de l'ONU- le drame du Rwanda et en a retenu un profond sentiment de honte et d'impuissance (3).

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Un avenir en français ?

Flickorna i Villette est-il un roman suédois?

C'est un roman écrit par une Suédoise, mais dont l'action se passe exclusivement en Belgique. Les thèmes abordés, bien qu'intéressants, n'ont rien de spécifiquement scandinaves, les héros non plus. La preuve: Martine Poirot n'est pas alcoolique, pas dépressive, elle n'est pas malheureuse en amour et sa famille n'est pas en miettes!

Plaisanterie mise à part, une traduction en français poserait un petit problème de marketing à l'éditeur: un polar suédois... en Belgique?

Peut-être faut-il simplement y voir un polar européen, écrit par une auteure qui visiblement se passionne pour l'Europe et s'intéresse aux cultures francophones (Roger Martin du Gard par exemple y est à l'honneur, si on peut dire: son œuvre maîtresse est en effet particulièrement prisée... par l'assassin).

Si seulement l'intrigue était plus solide et moins prévisible...


---NOTES---
(1) Det sämsta med att komma hem till Sverige efter fem år i Bryssel var att ingen längre kallade mig "madame". Som madame kände jag mig som en viktig och intressant person. I Sverige blev jag bara ännu en grå medelålders kvinna.

(2) L'affaire Dutroux s'est déroulée alors qu'Ingrid Hedström vivait encore en Belgique.

(3) L'auteure trace en quelques lignes une scène -j'ignore si elle est authentique- dans laquelle des soldats belges de retour au pays jettent de dépit leurs bérets bleus au sol.


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