Barabbas, de Pär Lagerkvist, Éd. Stock (collection La Cosmopolite), nouvelle édition 2008, 162 pages. Traduit du suédois par Marguerite Gay et Gerd de Mautort. Publié initialement en Suède en 1950.
Ce petit roman ("petit" uniquement par le nombre de pages) nous met en présence du célèbre Barabbas.
Barabbas le condamné à mort, gracié à la place de Jésus. Barabbas "le libéré".
La légende de Barabbas ne m'enthousiasme guère, pour dire le moins. C'est avec cette histoire que le concept criminel de "peuple déicide" s'est répandu. Pas vraiment ma tasse de thé.
Il fallait tout le talent d'un Lagerkvist pour en faire un récit touchant et profondément humain. Barabbas n'est pas l'œuvre d'un prédicateur ou d'un exalté, très loin de là.
Columbia Pictures a tenté une adaptation cinématographique en 1961. Connaissant le goût d'Hollywood pour les péplums à l'eau bénite du genre Ben-Hur, je m'en tiens prudemment au bouquin.
* * *
[Il ne s'agit pas d'un polar mais d'un classique de la littérature; je me sens quand même obligé de prévenir: spoilers!]
Surpris par une grâce qu'il sait ne pas mériter, Barabbas quitte son cachot et suit le cortège qui accompagne son "remplaçant" au Golgotha. Il assiste à la crucifixion sans comprendre l'intérêt des curieux pour ce rabbin maigrichon et imberbe.
Sa fascination pour le crucifié et ses adeptes va croître -en même temps que son sentiment de culpabilité- mais Barabbas restera toujours à la périphérie du groupe. D'abord parce qu'il est "le libéré" honni et méprisé, mais aussi et surtout parce que malgré ses efforts il ne parvient pas à partager la foi de Bec-de-lièvre (une pauvresse de Jérusalem) ou de Sarak (compagnon d'infortune durant de longues années d'esclavage au service des Romains).
Barabbas, malgré lui, doute.
Sa vie, dure et solitaire, s'achève à Rome. Ironiquement, il meurt à côté de ces chrétiens dont il a si souvent recherché la compagnie. À côté d'eux mais pas vraiment avec eux. Même entouré, Barabbas reste seul, et nul ne songe à lui adresser la moindre parole de réconfort (la solitude est un thème majeur aussi bien dans Barabbas que dans Le Nain).
Lorsque la nuit est venue, le dernier à périr, il est encore seul:
Quand il sentit venir la mort, dont il avait toujours eu si peur, il dit dans les ténèbres, comme s'il s'adressait à la nuit:
- À toi je remets mon âme.
Et il rendit l'esprit.
"Comme si".
Barabbas le libéré, Barabbas le méprisé, dans la mort emporte son ultime secret.