Tyskungen ("
Le petit allemand" ou "
L'enfant allemand") de Camilla Läckberg, éd. Forum, 2007, 409 pages.
[Mise à jour janvier 2011, le titre français est bien
L'enfant allemand. Paru chez Actes Sud, 2011, traduit du suédois par Lena Grumbach, 400 pages.]
Ce volume est le cinquième de la série
Erica Falck, qui à ce jour compte sept titres. Pour la publication en français de l'ouvrage il faudra sans doute attendre l'an prochain (le "gros" Actes Noirs de l'automne sera
L'Hypnotiseur, de Lars Kepler).
Le récit de
Tyskungen reprend là où l'
Oiseau de mauvais augure se terminait. Erica découvrait une médaille nazie (plus précisément une croix de fer de 1re classe qui doit ressembler
à ceci), une layette tâchée de sang séché et quelques journaux intimes dans un coffre ayant appartenu à sa mère, Elsy.
Les lecteurs réguliers de Läckberg le savent déjà, Erica et sa sœur Anna n'ont jamais eu d'excellents rapports avec Elsy. C'était une femme plutôt froide, très peu portée sur les câlins et les sourires. Dans la famille Falck, c'est le père qui était chaleureux et aimant.
Les deux parents sont morts dans un accident, peu de temps avant le début de
La princesse des glaces, premier titre de la série.
La lecture des journaux intimes d'Elsy, rédigés entre 1943 et 1945 lorsqu'elle était adolescente, révèle une personne très différente de la mère qu'Erica a connue. La jeune Elsy était enthousiaste, avait des amis, et malgré les difficultés causées par la guerre elle voyait l'avenir avec confiance.
Erica va s'efforcer de comprendre qui était cette Elsy qu'elle n'a jamais connue, et pourquoi elle a si radicalement changé à l'âge adulte.
Dans l'espoir d'expliquer la présence d'une décoration nazie dans les affaires de sa défunte mère, Erica frappe à la porte d'Erik Frankel, un historien qui est né et réside toujours à Fjällbacka. C'est à cette occasion que le crime s'invite de nouveau dans la vie d'Erica: deux mois après sa visite chez le vieil homme, on découvre le cadavre de celui-ci.
Le récit voit se croiser les recherches personnelles d'Erica et l'enquête policière sur la mort de Frankel, le passé et le présent.
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"Les vieux ossements doivent reposer en paix"
La tension monte tout doucement au début, puis le rythme des événements et des révélations s'accélère. Chaque chapitre est constitué de sections courtes qui permettent de suivre les actions des différents personnages, et se termine avec un aperçu du passé de la jeune Elsy. C'est un découpage habituel chez Läckberg, très "visuel", très rythmé, qui entretient la curiosité (et la frustration) du lecteur et lui donne le goût de vite tourner la page afin de découvrir la suite.
La vie intime du couple Erica/Patrik a toujours une place importante. Bébé Maja a maintenant un an, sa maman se remet à l'écriture, c'est donc au tour de Patrik de prendre un congé paternité pour s'occuper de la petite. Ce sera l'occasion pour le malheureux de se faire sévèrement et fréquemment critiquer par son épouse. Il faut dire que pour un policier, Patrik manque parfois singulièrement de flair... accepter un rendez-vous "
promenons nos bébés ensemble" avec son ex-conjointe, sans en parler auparavant à sa femme, c'est ce qu'on appelle chercher les problèmes!
L'humour est bien présent dans ce volume aussi, ce qui donne un résultat assez pétillant. La juxtaposition entre les événements dramatiques et le comique des situations ou de certains personnages (eh oui, Bertil Mellberg est toujours fidèle au poste) plaira à bien des lecteurs, mais pas à tous.
En fait, c'est simple: ceux qui ont aimé les bouquins précédents apprécieront sans aucun doute celui-ci, et ceux qui n'étaient pas satisfaits le resteront car ce livre n'est pas fondamentalement différent de ses petits frères.
Petite note pour ceux qui se posent la question (c'était mon cas en attaquant la lecture). Oui, les cafetières sont toujours aussi souvent sollicitées!
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Thèmes récurrents
On retrouve dans
Tyskungen des thèmes chers à Camilla Läckberg.
Tout d'abord la question du bien et du mal. La différence entre "bien" et "mal" est-elle nette et tranchée, noir/blanc, ou bien le monde est-il plutôt un dégradé de gris, le mal inextricablement mêlé au bien? La justice, l'expiation, le pardon (et leurs contraires...) sont intimement liés à ce premier thème.
Ensuite, il y a l'implacable enchaînement des causes et des effets. Tel événement a des répercussions immédiates et directes, mais peut aussi avoir des effets "ricochet" imprévus, dévastateurs, et affecter la vie de bien des gens à travers les années. Läckberg
adore jouer avec le destin de ses personnages et dans ce cinquième roman elle s'en donne à cœur joie.
Enfin, les bonheurs et les affres de la maternité ont ici encore une grande place. On assiste à pas moins de deux accouchements et il est souvent question de couches. Courage, les hommes ;-)
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La Suède et la guerre
Tyskungen nous donne un très bref aperçu de la Suède durant la guerre. Le pays était resté neutre, en grande partie par crainte de subir le même sort que le Danemark et la Norvège, mais bien évidemment la Suède n'a pas échappé à certaines conséquences, par exemple des difficultés d'approvisionnement. Pour les localités de pêcheurs (comme Fjällbacka) la présence de mines près des côtes était une menace bien concrète.
On trouve maintes informations sur Wikipedia.
Comme souvent, la
version anglaise est plus détaillée que l'
article en français. J'y découvre ce slogan malin du temps de la guerre, inspiré par la peur des espions:
En svensk tiger.
Cette courte phrase peut signifier "
Un tigre suédois" (d'où le dessin) mais aussi "
Un Suédois se tait" (
tiger peut être soit le nom commun
tigre, soit le présent du verbe
tiga, se taire).